À la fin du mois de janvier j’ai perdu ma famille, mes meilleurs amis ainsi que de nombreuses connaissances.
En fait, je ne les ai pas perdu au sens littéral du terme, mais oui, je me suis séparé de tout le monde, volontairement. Je me suis isolé pour réapprendre à marcher seul, sans béquille. Cela n’a pas été facile les premiers jours car j’ai ressenti un grande vide, beaucoup d’insécurité mais surtout un cruel manque d’autonomie.
Après la troisième journée, c’est un sentiment de liberté retrouvée qui m’a envahi; comme si je comprenais enfin que c’était un boulet que je traînais depuis des années que je laissais maintenant loin derrière moi. Je marchais enfin la tête haute, j’arrivais désormais toujours à l’heure à mes rendez-vous et je n’oubliais plus jamais rien lorsque j’allais faire mes courses.
Une autonomie à regagner
Les plus perspicaces auront sûrement deviné que j’ai vécu sans téléphone intelligent un certain temps.
Pendant cinq semaines, j’ai été complètement débranché du monde et de toutes ces bouées de sauvetages qui viennent compenser pour notre désormais manque de planification.
Oui, l’homo-mobilus 2014 a un niveau d’autonomie qui ne dépasse guère celle de sa pile de téléphone. À preuve, à mon premier rendez-vous sans « béquille » j’ai redescendu de ma voiture trois fois. Une première pour prendre l’adresse en note, une deuxième pour localiser ladite adresse et une troisième fois pour avoir le nom de mon interlocuteur que j’avais de toute évidence oublié.
La trajet, pour sa part, fût une période d’angoisse des plus extrêmes. Je ne pouvais pas me permettre d’arriver en retard, car je n’avais aucun moyen de joindre mon contact! Si la circulation et les problèmes de stationnement demeurent des excuses valables, notre capacité à joindre nos contacts en tout temps ne vise qu’à nous donner une bonne conscience pour notre manque chronique de planification. Pour ma part, j’ai redécouvert les joies de la radio AM et le plaisir d’avoir du temps pour faire le vide, étant arrivé 20 minutes en avance.
Une fois c’est un gars…
Ne pouvoir être joint et/ou joindre quelqu’un à l’instant même donne un sentiment d’isolement et de vulnérabilité, du moins, pour un temps. Et si… Et si quoi?
Je peux vous confirmer que le fait de ne pas avoir de cellulaire n’a pas entraîné de hausse significative du nombre de crevaisons sur ma voiture. Toutefois, le nombre de « Tu es où? » a baissé de façon exponentielle.
La beauté de la chose est que nous avons désormais des histoires à raconter à notre arrivée, car il s’est parfois écoulé deux bonnes heures depuis la dernière conversation. Fini les LOL et les MDR; vive les éclats de rire.
Un homo-mobilus 3.0
Depuis hier, j’ai un nouvel appareil. Par nécessité professionnelle, surtout, mais aussi pour sauver quelques arbres en abandonnant tout ces Post-It qui ornent mon tableau de bord. Je sais que je serai désormais un utilisateur différent de celui que j’étais auparavant.
Je n’ai jamais été un addict, car le téléphone, comme le chat, n’avait pas le droit de franchir la porte de la chambre à coucher. Je serai différent dans la mesure qu’il ne sera plus la première chose que je mettrai entre mes mains lorsque je constaterai que mon cerveau tente de réfléchir. Une alerte de mon mobile ne servira plus de prétexte pour m’extirper d’une situation ou d’une conversation ennuyeuse.
Cet appareil reviendra ce qu’il est : un simple outil servant à me rendre la vie plus facile sans en prendre le contrôle. D’ailleurs, je dois le retrouver, ignorant où je l’ai laissé hier soir…
Je suis guéris, je crois!
Et vous, seriez-vous capable de couper votre cordon invisible?