Un syndicat d’employés dénonce l’impartition d’appels de la clientèle vers l’outre-mer et le CRTC ordonne à l’entreprise de se conformer à la règle de reconquête édictée en téléphonie locale.
Bell Canada, qui a fait l’objet d’une décision défavorable de la part du CRTC en matière de téléphonie locale au même titre que les autres compagnies titulaires au marché canadien, a retenu l’attention dans deux autres dossiers reliés au marché de la téléphonie.
Dans un premier temps, l’Association canadienne des employés en télécommunications (ACET), qui compte 14 000 personnes qui occupent des postes de bureau chez Bell Canada, ses filiales et ses entreprises affiliées, a affirmé par voie de communiqué que l’entreprise avait décidé de sous-traiter des tâches à des entreprises situées à l’extérieur du Canada.
Selon le syndicat, 5 % des appels pris en charge par Bell Canada et par d’autres entreprises canadiennes, dont des sous-traitants, seraient dirigés vers des centres d’appels de sous-traitants situés en Inde.
« Depuis deux ans, Bell a commencé à envoyer des appels traités par des employés de Bell à la sous-traitance. Parmi ces appels, l’entreprise a décidé d’en prendre 5 % pour les envoyer outre-mer. Nous essayons de limiter le travail que la compagnie envoie à la sous-traitance, comme à peu près tous les syndicats. On se bat contre cela car nous voulons garder les emplois de nos membres », déclare Line Brisson, vice-présidente du syndicat.
« Ce qui est difficile est que Bell, qui a longtemps eu le monopole (du marché des télécommunications), ne l’a plus et cherche par tous les moyens de réduire ses coûts. C’est déjà difficile pour le syndicat de se battre contre la sous-traitance ici, alors imaginez comment on va être capable de se battre contre la sous-traitance en Inde… », ajoute-t-elle.
Tout en manifestant son inquiétude pour l’avenir des emplois du genre au sein de Bell Canada, la représentante du syndicat souhaite que l’entreprise change éventuellement son fusil d’épaule. « La tendance de la sous-traitance a été extrêmement populaire, mais les compagnies commencent à vouloir ramener ce travail à l’intérieur des compagnies, selon la tendance que l’on voit sur le marché actuellement. On dirait que Bell est même un petit peu en arrière (à cet effet). Il n’y a rien de mieux que d’avoir le travail (effectué) à l’interne si l’on veut en avoir le meilleur contrôle », affirme-t-elle.
Interrogé à ce sujet, Pierre Leclerc, le directeur des relations avec les médias chez Bell Canada, a confirmé que le volume d’appels transférés était sous la charge de sous-traitants et a affirmé que ce transfert n’avait aucun impact sur les employés de Bell Canada. Il a précisé que le volume d’appels transféré était uniquement constitué d’appels en langue anglaise, et que les appels provenant de la clientèle francophone n’étaient pas affectés par cette annonce.
« Cette pratique (de sous-traitance) est effectuée depuis quinze ans par des entreprises canadiennes, a déclaré M. Leclerc. À chaque année, nous procédons à une réévaluation de nos processus pour assurer que chaque unité d’affaires est à la fine pointe, pour réévaluer nos objectifs pour les réductions et de coûts et pour assurer l’offre d’un service de plus grande qualité à nos clients à des prix concurrentiels. Il s’agit d’une redistribution d’un pourcentage (d’appels) qui étaient traités par des fournisseurs. »
M. Leclerc n’a toutefois pas précisé la nature des appels qui étaient ainsi transférés vers des centres d’appels de sous-traitants situés en Inde.
Remontrance du CRTC
D’autre part, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes , à la suite d’une plainte déposée par Quebecor Média en septembre 2005, a rendu une décision où elle établit que Bell a violé des restrictions relatives à la reconquête d’anciens clients dans le marché des services téléphoniques locaux.
Quebecor Media, l’entreprise mère de Vidéotron Télécom qui offre un service de téléphonie numérique par câble, avait déposé une plainte au CRTC à la suite de l’envoi par Bell Canada d’une carte de reconnaissance à tous ses anciens clients qui avaient transféré leur numéro de téléphone chez Vidéotron Télécom, où ces anciens clients étaient invités à communiquer avec leur ancien fournisseur. Quebecor Media avait également déploré la tenue de sondages téléphoniques pour une étude de marché auprès de ses clients provenant de chez Bell Canada ainsi que la production d’appels automatisés de confirmation d’un débranchement auprès de clients dont le numéro de téléphone était en cours de transfert vers Vidéotron Télécom.
Quebecor Media avait déposé une plainte auprès du CRTC en alléguant que Bell Canada avait contrevenu à la règle de la reconquête, qui stipulait à l’époque qu’une entreprise de services locaux de téléphonie ne peut tenter de reconquérir d’anciens clients du service de résidence avant l’écoulement d’un délai de douze mois.
Après avoir entendu les arguments des deux parties, où Bell Canada a clamé que la règle de reconquête allait à l’encontre de l’article 2b) de la Charte canadienne des droits et des libertés, le CRTC a déclaré que l’envoi de cartes de reconnaissance et la réalisation du sondage automatisé faisaient partie d’une stratégie visant à reconquérir d’anciens clients, mais que l’étude de marché ne constituait pas une tentative de reconquête.
Entre-temps, Bell a cessé volontairement de produire les appels automatisés de confirmation des débranchements, tandis que le délai prescrit par le CRTC pour la règle de reconquête, dans le cadre de l’annonce du processus de déréglementation du marché de la téléphonie locale, a été ramené de douze à trois mois.
Le CRTC ordonne donc Bell de se conformer à la règle de reconquête dans un délai de sept jours suivant la publication de l’ordonnance reliée à la plainte.