Les données d’utilisation des téléphones mobiles permettraient d’en savoir davantage sur les déplacements des individus. Qu’apprendrait-on à propos de leur comportement en cours d’utilisation?
Les téléphones mobiles et d’autres appareils portatifs sans fil qui sont liés à un réseau de communication font l’objet d’un intérêt sans précédent de la part des individus. Que ce soit à des fins personnelles ou professionnelles, ces produits permettent à bon nombre de personnes de joindre et d’être joint, d’envoyer et de recevoir des données, de savoir où ils vont et où ils se trouvent. Ces appareils peuvent révéler des données intéressantes sur les individus qui les utilisent.
Une étude publiée par le journal scientifique britannique Nature fait un portrait des mouvements des êtres humains à partir de l’analyse des données de suivi des déplacements d’un échantillon de plus de 100 000 utilisateurs de téléphones mobiles d’un pays de l’Europe sur une période de six mois. Les données anonymes provenaient de l’emplacement de la tour de transmission la plus proche qui avait été utilisée lors de la réception d’un appel vocal ou d’un message texte.
Les résultats de l’analyse révèlent que la majorité des personnes se déplace de façon régulière sur une distance qui varie de cinq à dix kilomètres, mais aussi que les personnes retournent souvent aux mêmes endroits. Selon l’étude, on déduit que les déplacements des êtres humains pourraient faire l’objet d’un modèle mathématique précis!
Un article publié sur site Web du réseau de télévision BBC fait état d’applications possibles qui pourraient être obtenues à l’aide des données émanant des téléphones mobiles, par exemple pour prévoir les bouchons de circulation des véhicules ou pour prévenir la propagation de maladies. L’ajout de capteurs aux appareils pourrait fournir des données environnementales qui seraient fort utiles.
Divers mécanismes sont utilisés depuis quelque temps pour faire le suivi des déplacements de personnes ou d’objets sur un territoire. Certains font l’objet d’une entrée volontaire d’information, comme le site Web wheresgeorge.com mentionné dans l’article de la BBC, où les internautes entrent le numéro de série d’un billet de banque en leur possession pour contribuer à établir un itinéraire de la coupure bancaire. Des services en ligne, comme Mologogo, BrightKite ou Ipoki, permettent aux utilisateurs de téléphones mobiles de partager les coordonnées GPS de leur emplacement ou de leurs lieux de visite avec leurs amis.
D’autres mécanismes permettent le suivi des déplacements de façon automatisée, comme les systèmes de surveillance des camions de transport ou le suivi des migrations d’oiseaux. Également, les services policiers ont recours à la triangulation et à l’analyse de données de réseaux pour identifier l’emplacement ou les déplacements de suspects, alors que des services commerciaux permettent aux parents de savoir où se trouvent leurs enfants ou leurs conjoints en temps réel…
Le premier type de mécanisme est volontaire : l’utilisateur accepte sciemment d’indiquer les coordonnées de son emplacement. Avec le deuxième mécanisme, l’indication des coordonnées d’emplacement est imposée ou bien est effectuée à l’insu d’une personne. Il sera important d’accorder une attention accrue au balisage de l’utilisation des données en provenance des réseaux mobiles pour éviter les accrocs aux règles de protection de la vie privée, que ce soit à des fins commerciales ou à des fins gouvernementales.
Déjà, bon nombre d’organismes de sécurité publique ou d’espionnage analysent les conversations téléphoniques et les messages qui sont émis ou qui sont reçus à l’intérieur et à l’extérieur de leur pays, il ne faudrait pas être surpris si on apprend que les coordonnées de tous les utilisateurs d’appareils mobiles sont scrutées par un ordinateur central dans un endroit banalisé en Saskatchewan. Voilà un autre frère de Big Brother…
Comportement mobile
Toutefois, il serait amusant de pouvoir mesurer les changements de comportement des utilisateurs des appareils mobiles lorsqu’ils les utilisent. Par exemple, il serait intéressant de comparer la qualité de la conduite automobile lorsqu’une personne parle au téléphone pendant qu’elle est au volant (alors que trop de personnes continuent d’utiliser l’appareil en mode « main pleine ») ou l’efficacité de ses déplacements lorsqu’elle marche en rédigeant des messages texte. Que révéleraient les données d’utilisation d’un téléphone évolué ou d’une console de type Blackberry?
Il y a quelques années, un reportage à l’émission Découvertes à Radio-Canada faisait état de travaux de recherche pour améliorer l’emplacement des sorties de secours des lieux publics. On y montrait un logiciel qui simulait le comportement d’une foule dans un lieu fermé lorsque débute un incendie. Le narrateur avait alors indiqué qu’une foule composée d’individus le comportement semblable à celui d’un enfant de sept ans. Il serait intéressant de savoir quel serait l’âge mental d’une foule d’individus qui utiliseraient des téléphones mobiles ou des appareils portatifs évolués!
Freud, s’il était vivant aujourd’hui, en dirait sûrement long à ce sujet dans son blogue mobile…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.