Les avocats peuvent recourir aux médias sociaux pour faire connaître leurs services auprès de clientèles cibles. Toutefois, ils doivent respecter des principes liés à leur profession. Deux avocates ont partagé leur expérience à la conférence Legal IT 5.0 de Montréal.
Me Catherine Morissette, avocate en droit commercial chez Lévesque Lavoie Avocats, a créé une page sur le réseau Facebook à son retour à la pratique en 2009 afin d’y diffuser du contenu relatif au droit. Elle exploite un compte Twitter – qui lui aurait permis d’obtenir 40 % de sa clientèle actuelle – et alimente un blogue qui traite de l’actualité juridique principalement dans le domaine des TI. Le cabinet qu’elle vient de joindre lui a demandé de répliquer à l’échelle de la firme son approche envers les médias sociaux.
Me Julie Couture, avocate criminaliste chez Couture et Associés, est devenue en 2003 une des premières avocates à produire un blogue au Québec. Depuis 2010, elle alimente un canal Twitter à l’aide de son appareil iPhone. « J’aime rédiger des messages courts parce que je n’ai pas beaucoup de temps, étant souvent au tribunal. Lorsqu’on pose une question sur Twitter à des collègues, on obtient une réponse instantanément », a-t-elle indiqué.
Me Couture est aussi présente sur LinkedIn, dont l’information ajoutée se retrouve automatiquement dans son canal Twitter. Quant à Facebook, des amitiés renouées lui procurent de la visibilité auprès « amis des amis ».
« Comme en droit criminel c’est plus “secret”, des clients m’ont contacté via Facebook sans passer par leurs amis ou leurs membres de ma famille, a-t-elle expliqué. Plusieurs fois par semaine, je réponds à des questions anodines, ce qui peut contribuer à alimenter le bouche à oreille à mon sujet. Il ne faut pas hésiter à accepter une demande d’amitié, ça peut servir un jour… »
Plaidoyer pour une stratégie
Selon Me Morrissette, les avocats doivent aller dans les médias sociaux où se trouve leur clientèle actuelle et potentielle, mais ils se doivent d’être actifs dès qu’ils y sont présents.
Elle a souligné l’importance d’établir une stratégie au préalable – ne pas l’avoir fait lui a fait perdre du temps – dont la première étape a trait à la planification. « C’est beau de créer des pages dans les médias sociaux, encore faut-il les alimenter, a-t-elle déclaré. Est-ce que ce sera utile ? Quels sont objectifs à atteindre ? Quel temps et quelles ressources peut-on y consacrer ? Comment ces présences aideront-elles à développer votre clientèle ? Avez-vous déjà une stratégie de développement de la clientèle ? »
L’étape suivante est la mise en place d’un plan stratégique pour la présence dans les médias sociaux, dont le premier volet est l’identification du public cible. « J’ai découvert le bassin des PME, surtout en technologies de l’information. Mon défi était de les convaincre qu’ils avaient besoin de moi, et de savoir à quel moment ce besoin se manifesterait », a expliqué Me Morissette. « Ma clientèle est monsieur et madame Tout-le-monde, une clientèle non criminalisée. Le défi est de se faire connaître et de devenir une référence en étant citée par d’autres dans les médias sociaux », a précisé Me Couture.
Le deuxième volet du plan stratégique vise à identifier les sujets qui peuvent intéresser les clients. Le troisième volet consiste à décider de la façon de produire le contenu, en définissant le niveau d’implication et la fréquence.
Les avocates ont mentionné que la régularité et la transparence étaient des conditions essentielles à une présence réussie dans les médias sociaux.
« Surtout, il faut échanger avec les gens. Nous voyons de gros bureaux d’avocats qui twittent et diffusent du contenu, mais qui n’échangent pas. Dans l’expression “média social”, on retrouve le mot “social” : si vous ne voulez pas échanger, payez-vous une pub à la télé ! », a lancé Me Morissette.
Conseils juridiques
Me Morissette a suggéré à la confrérie juridique d’établir des présences sociales distinctes pour les clientèles francophones et anglophones, afin d’éviter les doublons non pertinents pour les internautes bilingues. À propos des blogues, elle a souligné l’importance de la modération des commentaires. « Ce n’est pas la place pour laisser les gens publier du contenu borderline », a-t-elle déclaré.
Pour Me Couture, le contenu d’un blogue doit intégrer des mots clés pertinents qui sont décelés par les moteurs de recherche et qui sont susceptibles d’être utilisés lorsqu’un client potentiel fait une requête. Elle a ajouté que l’achat de mots clés permettait d’améliorer le rang d’un site dans la liste des résultats d’une recherche.
LinkedIn, que Me Morissette qualifie de « Roloxex virtuel » et de « curriculum vitæ en ligne », sert à obtenir des coordonnées et à participer à des discussions en groupe, mais aussi à obtenir de précieuses recommandations. « Je ne peux pas y dire que telle compagnie est ma cliente en raison du secret professionnel, mais si un client y recommande mon travail, ça n’a pas de prix », a-t-elle dit.
Quant à Twitter, Me Couture recommande le choix d’un identifiant court, mais significatif – elle a opté pour Criminaliste. « Il faut trouver dans ce réseau des gens intéressants à suivre afin d’avoir du monde qui nous suivra. Aussi, il faut être présent en état actif, réciproque et transparent », a-t-elle indiqué.
Les avocates ont rappelé l’importance d’appliquer un anonymat aux dossiers qui sont évoqués dans les médias sociaux. « L’obligation professionnelle demeure, peu importe la plate-forme, a indiqué Me Morissette. Il ne faut pas perdre de vue que des juges, des confrères, des clients et des adversaires peuvent nous suivre dans les médias sociaux… »
Enfin, durant la présentation, Me Morissette a mis en garde l’auditoire envers les “experts” en médias sociaux dont le nombre a explosé récemment. « Soyez sélectifs, informez-vous, vérifiez l’historique virtuel d’un expert… On dirait qu’il y a plus d’experts en médias sociaux que d’avocats au Québec ! »
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.