On a beau tout faire pour ne pas parler d’Apple, pour chercher de belles histoires de vrais PC à la sauce Microsoft, pour s’éviter l’infâme étiquette «Apple Fanboy». Rien n’y fait, l’actualité nous y ramène dare-dare. Même le président Obama en a parlé dans son récent discours à la nation.
Lundi, la firme de recherche britannique Canalys publiait un rapport selon lequel la multinationale californienne Apple avait battu la multinationale californienne HP en ce qui a trait au nombre de PC vendus sur la planète durant le quatrième trimestre de 2011. Ce qui donnait à la plus jeune des deux le droit de revêtir le maillot jaune du leading worldwide client PC vendor pour cette période.
Il est intéressant de noter ici qu’avec le déferlement des ordiphones (iPhone, BlackBerry, Android), phénomène qui gonfle aux stéroïdes le chiffre d’affaires de la fabricante d’ordinateurs et de logiciels qu’est Apple, Canalys ait décidé d’inclure les tablettes dans la catégorie « postes de travail ». C’est un foutoir on ne peut plus vaste qui comprend déjà les PC modulaires (PC de table), les blocs-notes et les netbooks. Autrement dit, elle considère les tablettes comme étant des ordinateurs au sens classique du terme.
Cela lui permet de dire que 22 % de tous les PC écoulés sur le marché mondial durant le 4e trimestre de 2011 ont été des tablettes. Soit dit en passant, outre le iPad d’Apple, deux tablettes se sont fait remarquer aux États-Unis plus que les autres, soit la Kindle Fire d’Amazon et la Nook de Barnes ans Noble.
Pour se mériter l’or, Apple a vendu 15 millions de iPad et 5 millions de Mac (Mac Pro, iMac, Mac mini, Mac Book et Mac Book Pro), ce qui a représenté 17 % du grand tout multimarque à l’échelle planétaire. On parle ici d’une croissance globale de 16 %. Or, si on exclut les tablettes de cet ensemble, la croissance devient négative avec une diminution de 0,4 %, font remarquer les auteurs du rapport. C’est surtout le cas en Europe, aux États-Unis et sur le continent africain.
Pour Apple, tous ces chiffres représentent un gain de 6 points comparativement à la même période de 2010. Mais chez les autres grandes fabricantes, soit Acer, Dell, HP et Lenovo, seule cette dernière a bénéficié d’une croissance, en l’occurrence 2 %, un gain attribuable à sa performance sur le marché ouest-européen et au fait que contrairement à HP, elle ait choisi Android comme SE pour ses tablettes.
Effectivement, si la piètre performance de HP peut s’expliquer par certaines erreurs de l’ancien P.D.G. Léo Aphoteker en relation avec le malheureux Touchpad et son SE hérité de Palm, il y a quand même un autre facteur qui vient jouer. Il y a celui de l’incertitude que représente Windows 8 comme SE dans les tablettes destinées au marché corpo telles les Slate 2 de HP. Les acheteurs ne savent trop quoi penser alors qu’ils voient le iPad 2 d’Apple s’y tailler un marché de mieux en mieux structuré.
Comparons maintenant ce rapport aux chiffres rendus publics la semaine dernière par Tim Cook, le P.D.G. d’Apple, des résultats relatifs au premier trimestre 2012 qui s’est terminé le 31 décembre dernier. On y parle de revenus de 46,33 milliards $ et de profits nets de 13,06 milliards $, des chiffres qui, grosso modo, sont le double de ceux du même trimestre l’an dernier. En comparaison, on peut dire qu’il s’agit de quatre fois les profits de Walmart avec la moitié des revenus.
Malgré les prédictions plus conservatrices, pas moins de 37 millions de iPhone ont été vendus entre le 1er octobre et le 31 décembre 2011, une croissance de 128 % par rapport au premier trimestre de l’an dernier. De plus, les gens ont acheté 15,4 millions de iPad, une augmentation de 111 %, et 5.2 millions de Macintosh (surtout des iMac), un gain de 26 %. Quant à la vente de iPod (15,4 millions d’appareils), elle a décliné de 21 %, ce qui est normal dans un marché de remplacement cannibalisé par les iPhone et les iPad.
Ajoutons à ces chiffres que sa réserve en liquidité est de 97,7 milliards $, dont les deux tiers sont dans des banques étrangères (offshore) échappant au fisc étasunien. Tout considéré, la valeur d’Apple est désormais de 400 milliards $US, ce qui en fait une des boîtes les plus cossues de la planète. C’est gros comment 400 milliards? Selon MBA Online, si on plaçait côte à côte 400 milliards de billets d’un dollar américain on couvrirait 42 % du sol des États-Unis.
Là où le bât blesse pour l’image de l’entreprise, c’est que la totalité de sa production est made in China chez Foxconn dont la réputation d’enfer tiers-mondain est bien connue. Même si, sauf exception, tous les concurrents d’Apple en font autant, chez Foxconn et ailleurs en Asie, c’est principalement Apple qui fait la manchette avec ce mode de gestion des approvisionnements. Et pour cause! Sa marge bénéficiaire est supérieure à celle des autres, le volume de production est ahurissant et sa fréquence démentielle. Quoi que dise Tim Cook pour tenter de disculper son entreprise, le haut de forme du capitaliste exploiteur lui reste bien vissé sur le chef.
Pour bien des Américains, voir Apple profiter du système chinois et placer les 2/3 de son invraisemblable fortune, soit environ 64 milliards $US (selon le grand argentier d’Apple Peter Oppenheimer) à l’abri des doigts amaigris de l’Oncle Sam est une situation inacceptable même si elle est semblable, sur le plan des principes, à celle qu’on retrouve ailleurs, notamment chez Microsoft et Cisco.
La firme de Cupertino a beau employer quelque 43 000 personnes aux États-Unis, elle en fait travailler plus de 230 000 à temps plein chez Foxconn. Tant et si bien qu’une gronde est en train de se lever. Pour certains, Washington devrait avoir des politiques pour inciter (fiscalement) les multinationales à ne plus impartir leur production dans les pays émergents et, par étapes, ramener tout le bazar aux É.U.
Mais, pour Apple, cela équivaut à rêver en couleur; la main-d’œuvre américaine serait incapable de satisfaire aux exigences que cela sous-tend. À ce sujet, cet article du New York Times est devenu un incontournable. Bof! Paragraphe pour plaire à ceux qui détestent Apple : Cet article sur Apple a été écrit avec Microsoft Word dans un PC Dell sous Microsoft Windows 7 et acheminé pour publication par le truchement de Microsoft Outlook et d’un bricolage Linux. Voilà!
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Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.