À la lumière des résultats d’une importante étude québécoise, le chercheur Vivek Venkatesh estime qu’il faudra confirmer la pertinence du recours à certaines technologies aux fins de l’enseignement.
L’Étude sur les modalités d’apprentissage et les technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement, qui a été réalisée auprès de 15 020 étudiants et 2 640 professeurs québécois par un groupe de chercheurs d’établissements de l’Université du Québec à Montréal, Chicoutimi et Trois-Rivières, de l’Université Concordia et de l’Université Polytechnique de Montréal, a démontré que les TIC jouaient un rôle de soutien à l’enseignement, mais aussi que les enseignants connaissaient et percevaient mieux l’efficacité des technologies pour l’apprentissage que les étudiants.
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Vivek Venkatesh, vice-doyen aux études supérieures et professeur à l’Université Concordia, fait partie des chercheurs qui ont réalisé l’étude. Il constate qu’il faudra chercher à mieux comprendre le « fossé numérique » qui sépare les enseignants et les étudiants, alors que ces derniers perçoivent la pertinence d’un cours selon l’efficacité de l’enseignement magistral plutôt que celle des applications en ligne.
« En regardant les données sur les gens qui contribuent à des forums depuis des décennies, on voit que la façon dont les gens apprennent de façon cognitive est différente en ligne qu’en personne, explique M. Venkatesh. Beaucoup de jeunes ont des préférences pour les technologies à des fins sociales, mais ils ne veulent pas les utiliser pour la discussion des matières. Ils ont des préférences pour l’apprentissage de façon sensorielle, soit en étant présents dans un cours, en écoutant… »
Le chercheur constate qu’il y a une très forte préférence pour l’approche “de la vieille école”, peu importe l’utilisation des technologies. « Peu importe qu’il s’agisse d’un diaporama électronique ou d’une vidéo dans YouTube pour illustrer un sujet, pourvu que ça soit utilisé dans un cours magistral et que ça soit engageant, c’est ce qui compte pour les étudiants. La fin est plus importante que les moyens. »
Changer d’approche
Le hic, c’est que les enseignants sont incités grandement à intégrer les applications en ligne à leurs cours. L’enseignant à l’Université Concordia relate que des formateurs du corps professoral, avec des données empiriques à l’appui, suggèrent aux enseignants d’impliquer les étudiants dans la discussion et tenir des activités collaboratives. On prône une philosophie de constructivisme plutôt que d’instructivisme. Mais au bout du compte, pense M. Venkatesh, la formation à cet effet n’est peut-être pas assez poussée.
« Oui, les données montrent que la collaboration est importante et qu’il faut avoir une sensibilité sociale, mais la façon dont on engage les étudiants à collaborer durant les cours nécessite peut-être plus d’encadrement, estime-t-il. Prendre seulement une demi-heure pour leur expliquer un problème mal structuré peut faire en sorte qu’ils s’y perdent et que ça soit frustrant. Mais lorsqu’on donne un cours magistral et qu’on a la connaissance de la matière, il vaut peut-être mieux prendre le temps de passer le message aux étudiants avant qu’ils se lancent dans les discussions. C’est une question de séquence, de développement professionnel de notre part. »
« Surtout, il faut réaliser que les étudiants ont des préférences envers l’utilisation de telle technologie pour telle fin. »
Étudier l’efficacité
Alors que l’utilisation des TIC est une partie intégrante de la prestation d’un cours, l’étude réalisée par les chercheurs québécois démontre que la technologie qui est la plus utilisée et qui est perçue comme étant la plus efficace par les étudiants est le courriel. L’étude démontre aussi que ces étudiants utilisent les réseaux sociaux à des fins personnelles et que leur emploi des wikis et des blogues est plutôt passif. Devrait-on revoir la façon d’utiliser certaines technologies à des fins d’apprentissage ou plutôt miser sur celles qui sont déjà efficaces?
« Je pense que c’est un piège de croire que les médias sociaux et les forums de discussion, parce qu’ils sont utilisés dans leur vie de tous les jours, devraient être employés plus souvent [pour l’apprentissage]. On ne peut pas transférer l’utilisation des technologies dans des contextes différents sans vraiment regarder comment les gens apprennent dans ces situations », estime-t-il.
Pour la vérification de l’utilisation d’une technologie, M.Venkatesh donne l’exemple d’un forum de discussion pour un cours auquel les étudiants, durant une semaine ou deux, contribuent de façon anonyme. « C’est intéressant parce que les gens donnent leurs idées ou leurs présuppositions envers des sujets sans vraiment attacher leur identité à leur voix. Le professeur encadre la discussion pour qu’il y ait un débat sur les opinions différentes et après deux semaines on peut divulguer les identités plus librement et attacher les commentaires aux gens. C’est la méthode qui fonctionne le mieux dans les communautés en ligne que j’ai analysées aux fins de mes recherches. »
Selon M. Venkatesh, les chercheurs ne font que commencer à gratter la surface du sujet de l’utilisation des TIC aux fins de l’apprentissage.