Est-ce possible d’utiliser uniquement l’assistant numérique évolué et de mettre le bloc-notes au rencart? Deux observateurs doutent que ce soit possible… pour l’instant. Chose certaine, les travailleurs mobiles veulent diversifier leurs moyens de connexion aux réseaux de données.
La main-d’oeuvre des organisations peut recourir à deux approches en matière d’informatique mobile. D’un côté, il y a l’ordinateur portable, et de l’autre, les petits appareils technologiques, comme le téléphone évolué, l’assistant numérique personnel et la console bidirectionnelle de type Blackberry.
Est-il envisageable d’utiliser un seul des deux produits pour réaliser l’ensemble des fonctions requises pour le travail?
Pierre Coderre est le directeur des technologies chez DMR à Montréal. Cette firme de services-conseils suggère à sa clientèle des stratégies d’utilisation des TI, mais elle compte aussi bon nombre d’employés qui ont besoin d’appareils mobiles pour effectuer leurs tâches de travail.
Selon lui, ceux qui ont besoin d’une technologie mobile doivent avoir au moins deux modes de traitement de l’information et de communication. Pour accomplir certaines tâches, la dimension de la surface de travail est encore primordiale.
« Le besoin d’un clavier [pleine grandeur] demeure, tout comme l’écran pour les travaux qui demandent une visualisation en de plus grandes dimensions. Il faut un peu cette dualité pour pouvoir travailler efficacement. Mais trimballer l’ordinateur portable partout n’est pas toujours évident… », commente-t-il, en référant à sa propre tablette PC qui peut être encombrante à utiliser lors des réunions.
Questions de mobilité
Dan Shey est analyste principal pour les marchés grand public et commercial de la mobilité à la firme de recherche américaine ABI Research. Il confirme que l’enjeu fondamental pour n’importe quelle organisation et pour ses employés se situe au niveau de l’obtention et de l’accès à l’information et aux communications.
« D’un côté, l’utilisateur veut un gros écran et un grand clavier, et de l’autre, il veut être mobile. L’organisation doit mieux comprendre les besoins des utilisateurs et poser deux grandes questions : “À quel point seront-ils mobiles?” et “Quel pourcentage de leur travail consistera en la collecte et l’analyse de l’information, versus le temps accordé à la collaboration” », explique-t-il.
« Si le travail implique surtout de la collecte et de l’analyse de l’information, il faudra quelque chose qui a un écran plus grand, soit un ordinateur portable. Si la personne fait davantage de collaboration, la messagerie devient plus importante. Alors, un assistant numérique ou un téléphone évolué fournit cette connectivité, et offre aussi un certain niveau de traitement et d’accès aux contenus, comme de voir les fichiers joints d’un courriel. »
L’analyste ajoute que la fourniture des services mobiles appropriés, la façon d’assurer la sécurité des données et la fourniture des appareils mobiles à un coût raisonnable font également partie de la réflexion. Il souligne que ces questions démontrent qu’une fragmentation du marché des appareils persiste, alors que les organisations veulent avoir la capacité de répondre aux besoins des utilisateurs.
« Il n’y a pas une seule plate-forme et quelques types d’appareils, constate M. Shey. Tout à coup, l’univers des appareils mobiles s’élargit, inclut divers systèmes d’exploitation, divers fournisseurs de produits et divers fournisseurs de services d’accès. Les entreprises peuvent résoudre cette complexité par le recours à des services impartis de gestion de la mobilité. Aussi, des fournisseurs développent des plates-formes de gestion de la mobilité, ce qui redonne le contrôle à l’interne, au département des TI, pour la gestion et le soutien des appareils et des services. »
Regard sur l’interface
La capacité du téléphone évolué, de l’assistant numérique ou de la console bidirectionnelle à éliminer le recours à l’ordinateur portable réside également dans sa capacité à exploiter des applications évoluées qui sont liées à des fonctions de travail précises. Outre les applications de courrier électronique, d’agenda et autres, certains de ces petits appareils permettent d’utiliser des applications de bureautique comme un logiciel traitement de texte ou un chiffrier, sans oublier le fureteur pour naviguer sur Internet.
Toutefois, Pierre Coderre remarque que l’indisponibilité d’applications évoluées et surtout une carence dans la convivialité de l’interface des petits appareils freinent leur utilisation à titre de composante unique. Pour l’instant du moins.
« […] On pourrait, avec une interface développée pour un type de fonction donnée, faire en sorte qu’on se passe de l’ordinateur portable. Mais nous n’en sommes pas là encore, du moins au Canada. On pourrait, en étant sur la route, entrer des commandes ou visionner le portefeuille du client, et se passer du bloc-notes. Mais je ne pense pas que les applications en sont rendues là. »
Il souligne que l’appareil iPhone d’Apple, commercialisé récemment aux États-Unis et en Europe, constitue un pas dans la bonne direction. « […] On introduit une convivialité d’utilisation qui nécessite moins l’utilisation d’un clavier. Ce n’est pas d’avoir un clavier plus petit qui donne de meilleures fonctions, mais l’augmentation de la prédiction de ce qu’on tape. De plus, il y a une nouvelle interface qui facilite la recherche, afin d’être plus efficace sans avoir besoin du clavier », remarque-t-il.
« Il a beaucoup de travail en cours pour faciliter la capacité de traitement sur les appareils plus petits, indique Dan Shey d’ABI Research. Mais il y a une limite en matière de dimension de l’écran et du clavier. Ce n’est pas une expérience plaisante pour l’utilisateur de regarder un tableur sur un si petit écran de trois pouces par quatre. »
« Le fabricant d’un appareil ne cherchera pas à maximiser un appareil par l’apport d’une capacité de productivité qui comporte des défis fondamentaux. Il s’attarde à améliorer la capacité des fonctions qui en donnera le plus pour son argent. Si une entreprise veut que ses employés accèdent et acheminent de l’information, des fournisseurs développent sur mesure des formulaires qui permettent cela. Mais il s’agit d’une tâche spécifique qui répond à un besoin précis, et non une fonction de masse comme le traitement de texte », ajoute-t-il.
De la connectivité et des coûts
Aujourd’hui, les appareils mobiles doivent être liés à un réseau informatique pour maximiser la productivité et l’interaction entre l’utilisateur et son organisation ou ses clients. Or, les coûts élevés et la limitation de la connectivité aux réseaux constituent des enjeux importants pour les organisations nord-américaines.
« Dans la plupart des organisations, c’est le personnel dirigeant qui aura un appareil de type Blackberry, constate M. Coderre de DMR. Je travaille en Europe où les forfaits de données sont très différents de ceux au Canada, et il n’y a pas de comparaison en termes de coûts. On paie très cher juste pour avoir accès aux courriels en temps direct. »
M. Coderre indique que les fournisseurs de services de télécommunications maintiennent un coût élevé et obtiennent des profits élevés pour offrir de liaisons de données à un petit nombre de gens qui l’utilisent abondamment. « Il y a un quasi-monopole en termes de connectivité en réseau et la présence de deux normes. En Europe, où il n’y a que la norme GSM, il y a une pression pour avoir des forfaits de données à faibles coûts. Ici, les coûts sont assez importants. »
« Le coût est une limitation qui change, mais plus lentement, affirme M. Shey. Au début de l’année dernière, l’accès aux données par un réseau cellulaire par modem coûtait 60 $. Maintenant, il en coûte moins de 50 $. Cette baisse s’explique en partie par les fournisseurs qui veulent encourager l’adoption, et un peu par la concurrence prochaine où l’on offrira un accès [aux réseaux de données] WiMax pour une trentaine de dollars, ce qui porte ces fournisseurs de technologies cellulaires à capturer dès maintenant le plus de clients possible. »
Wi-Fi et WiMax
D’autre part, les utilisateurs d’appareils mobiles côtoient des réseaux informatiques sans fil auxquels ils aimeraient se brancher pour accéder à des données ou transmettre des informations, sans passer par les coûteux réseaux des entreprises de télécommunications. Cette situation, souligne M. Coderre, est en train de changer alors que de nouveaux modèles d’appareils sont compatibles aux réseaux Wi-Fi.
« Cela permet d’avoir accès à un réseau d’entreprise sans frais, et lorsqu’on est sur la route, de basculer vers un réseau cellulaire pour avoir accès aux données. On arrive à un point de transition des technologies. Si nos vendeurs pouvaient se brancher au réseau d’entreprise lorsqu’ils sont au bureau, ce qui est à peu près la moitié du temps, il y aurait une économie d’argent et une richesse au niveau des fonctionnalités qu’ils n’ont pas lorsqu’ils sont à l’extérieur », commente M. Coderre.
Hors du bureau, l’établissement d’une connexion avec l’environnement de l’organisation nécessiterait le recours à un réseau privé virtuel via le réseau d’un client, ce qui constitue une opération complexe. Toutefois, M. Coderre croit que la technologie de réseautique à longue portée WiMax facilitera la connexion des appareils mobiles.
« La venue de WiMax, qui permettrait dans un centre urbain d’être connecté en mode IP avec un ordinateur portable, un Blackberry ou un iPhone, diminuera le besoin de se brancher quelque part. Il existe des points d’accès Wi-Fi, mais ils sont dans des zones délimitées. Des fournisseurs offrent déjà des services nomades WiMax, mais nous sommes dans l’enfance [de cette technologie] », indique-t-il, en estimant que cette capacité sera répandue d’ici deux ou trois ans.
Facilité vs fiabilité
M. Shey, de son côté, souligne que les technologies de 3e génération des réseaux de téléphonie mobile améliorent l’expérience d’utilisation pour des applications de productivité et l’accès aux contenus multimédia sur les ordinateurs portables et ultraportables. Alors que la connexion aux réseaux Wi-Fi suscite l’engouement, il croit que le recours à deux réseaux de communication des données demeurera pertinent pour des questions de qualité.
« Un sondage effectué l’an dernier indiquait que 30 % des personnes sondées se déconnecteraient immédiatement ou à la fin de leur contrat pour avoir recours à un service bimode qui serait plus abordable et qui procurerait une meilleure expérience. Mais la question est de voir à quel point l’expérience serait meilleure », indique-t-il.
« Si l’on se connecte avec un ordinateur portable à un réseau Wi-Fi qui n’est pas encombré, l’expérience est bonne. Mais lorsqu’il y a plusieurs personnes, c’est abominable. Rares sont ceux qui disent que la liaison est mauvaise, lente ou défaillante avec une connexion par un réseau cellulaire. Le défi du Wi-Fi est qu’il ne fournit pas une expérience constante en termes d’accès de données. Si on ajoute la voix sur IP par-dessus le tout, d’autres défis s’ajoutent… »
« Pour les fabricants d’appareils, l’ajout d’une capacité de connexion indépendante d’un fournisseur renforce leur positionnement auprès des consommateurs qui pensent qu’ils auront la possibilité d’avoir un accès plus abordable. Mais il faudra encore avoir une liaison cellulaire pour assurer une connectivité », ajoute-t-il.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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