Un document interne de Google suscite la controverse quant au caractère d’égalité de Motorola face aux autres équipementiers d’appareils Android. Pour calmer la grogne, Google aurait permis au fabricant HTC d’utiliser des brevets de Motorola dans une poursuite contre Apple.
Alors que Google avait juré que Motorola Mobility n’aurait pas de traitement privilégié en rapport aux autres fabricants d’appareils mobiles pour la plate-forme Android (Lire : Google veut acquérir Motorola Mobility), un document interne de Google porte à croire que Motorola aurait déjà profité d’un avantage de temps de mise en marché.
Florian Mueller, du blogue FOSS Patents, a dévoilé dans un billet qu’un juge américain avait permis la publication d’un extrait d’une présentation interne de Google, dans le cadre d’un procès d’infraction de brevets et de droits qui oppose Oracle et Google aux États-Unis. Or, dans le document Google mentionne « qu’un accès hâtif au logiciel [Android] soit donné aux partenaires commerciaux qui construisent et distribuent des appareils (soit Motorola et [le fournisseur de services de télécoms Verizon]). »
Google ajoute que cette approche leur « donnerait un avantage non contractuel en temps de mise en marché, et qu’en retour [ils] s’aligneraient » sur ses normes.
« Stratégie d’appareil meneur »
Selon un article du journal anglais The Guardian, une porte-parole de Google a indiqué que le document interne référait à la « stratégie d’appareil meneur » (lead device strategy en anglais) qui est appliquée depuis un moment par l’entreprise, en référant à une foire aux questions qui est consacrée au projet de code source libre Android.
L’article du Guardian attire l’attention sur un énoncé de la foire aux questions qui traite de la stratégie de développement d’Android (traduction libre) : « […] L’équipe d’ingénierie d’Android porte typiquement son attention sur un petit nombre d’appareils “phares” et développe la prochaine version d’Android afin de soutenir ces lancements de produits. Ces appareils phares absorbent beaucoup du risque lié au produit [Android] et pavent la voie à la grande communauté des équipementiers, qui suit avec plusieurs autres appareils qui tirent avantages des nouvelles fonctions. Ainsi, nous assurons que la plateforme Android évolue en fonction des besoins actuels des appareils du monde réel ».
Selon le journaliste Charles Arthur du Guardian, les propos tenus dans le document interne de Google pourraient laisser croire qu’une partie du succès connu par le fabricant d’appareils mobiles Motorola depuis son réalignement exclusif vers la plateforme Android en 2009 aurait été obtenu aux dépens des équipementiers rivaux qui n’avaient pas un accès hâtif au code du système d’exploitation.
À la suite de la diffusion du document interne, Google a insisté sur le fait que Motorola ne recevrait pas de statut favorable. L’entreprise a référé à une déclaration d’Andy Rubin, le responsable de la division Android, qui a déclaré lors d’une conférence téléphonique portant sur des résultats financiers de Google en août 2011 que la stratégie d’appareil meneur était appliquée pour le programme d’appareil Nexus.
M. Rubin avait expliqué qu’en vertu de cette stratégie, un fabricant était choisi au terme d’un appel d’offres par Google chaque année, dans le temps des Fêtes, dans le but de lancer un nouvel appareil. Il avait ajouté que les deux entreprises travaillaient alors conjointement durant neuf à douze mois dans un même édifice, afin que des appareils soient lancés à la période des Fêtes suivante ou peu après.
« Nous ne prévoyons pas changer cela du tout. L’acquisition [de Motorola] sera faite à titre d’entreprise distincte. Il y aura une portion d’un processus d’appel d’offres et une portion de développement meneur. Et évidemment, Android restera ouvert aux autres partenaires comme c’est le cas aujourd’hui », avait précisé M. Rubin.
Calmer la grogne?
Malgré ces assurances de la part de Google, cette impression de favoritisme envers Motorola pourrait soulever des doutes et susciter la grogne chez les autres équipementiers qui utilisent Android.
D’ailleurs, le journaliste du Guardian, en évoquant un rapport qui a été publié par l’agence de presse Bloomberg, indique que Google tenterait présentement de faire amende honorable auprès deHTC, un des grands fabricants d’appareils Android.
Dans le cadre d’un procès en infraction de brevets qui a été amorcé le 7 septembre 2011 par HTC contre le concurrent Apple, Google aurait permis à HTC d’utiliser à titre de preuve neuf de ses brevets, dont quatre ont été obtenus à l’origine par Morotola. Les modalités relatives à l’utilisation des brevets de Google en cour par HTC ne sont pas connues.
Dans l’article de Bloomberg, un analyste à la firme américaine IDC, Will Stofega, estime que Google chercherait ainsi à soutenir ses « clients » qui amorcent des procédures judiciaires afin qu’ils poursuivent leurs relations commerciales avec elle.
Rappelons que l’acquisition de Motorola Mobility par Google doit être approuvée par des organismes de réglementation, dont le département américain de la Justice, et examinée afin d’assurer qu’il y absence de pratiques anticoncurrentielles.
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Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.