Vingt-cinq ans après l’émergence de l’informatique personnelle, la multiplicité des configurations de clavier d’ordinateurs persiste. Pourtant, les manufacturiers continuent d’offrir des périphériques sur lesquels les caractères sont disposés de façon disparate.
L’ordinateur occupe une place prédominante dans notre vie quotidienne, que ce soit au travail, à la maison ou dans les loisirs. En un quart de siècle, l’informatique a progressé d’une utilisation principalement commerciale et scientifique à une utilisation courante dans la majorité des foyers. Les grands manufacturiers se sont rapidement adaptés, par bonne volonté ou par obligation, aux particularités linguistiques de la population francophone du Québec et du Canada français afin que les utilisateurs qui parlent la langue de Molière avec l’accent de Ducharme puissent transcrire leurs contenus sur support informatisé avec les caractères appropriés.
Or, force est de constater que la confusion règne encore et toujours à propos des configurations de clavier pour la langue française. Dans les systèmes d’exploitation courants, on retrouve de multiples choix de configurations conçues pour les utilisateurs de systèmes informatiques francophones du Québec et du Canada, qui arborent des noms tels que Canada (français), Français (Canada) ou Canadien multilingue standard, ou qui sont conformes à une variété de standards comme CSA ou ISO.
Ces nombreuses configurations et appellations rappellent quelque peu la séquence du film culte Elvis Gratton du réalisateur Pierre Falardeau, où le personnage principal déclame à une personne une série d’appellations applicables à son statut identitaire, qui consistent en des variantes et des combinaisons des mots « Canada », « français » et « Américain »…
Dans le monde de l’informatique personnelle, l’utilisateur moyen peut rapidement en perdre son latin lorsque vient le temps de sélectionner la configuration appropriée, ou perdre sa patience lorsqu’il recherche un caractère qui figure sur les touches, mais qui n’apparaît pas à l’écran. S’en suit alors une séance de « piochage » de clavier, avec les touches « CTRL », « ALT » ou « SHIFT » enfoncées avec force jusqu’à ce que le caractère souhaité apparaisse. En alternative, la table de caractère permet de sélectionner le signe souhaité, en autant que ladite table soit facilement trouvée dans le système d’exploitation ou le logiciel utilisé.
Pourtant il existe une norme, soit le Clavier canadien pour le français et l’anglais CAN/CSA Z243.200-92 qui a été adoptée par l’Association canadienne de normalisation et pour laquelle l’Office québécois de la langue française fournit des détails sur son site Web. Et pourtant, les claviers commercialisés au Québec et au Canada français ne sont pas tous conformes à ce standard, au déplaisir de l’utilisateur qui doit faire fi des inscriptions sur certaines touches d’accentuation et de symboles.
Sensibilisation des manufacturiers
Est-ce que cette situation peut être corrigée ? Peut-être. Il appert que la sensibilisation des manufacturiers de périphériques soit la seule voie praticable pour mettre fin à la confusion des claviers, car l’imposition de règlements et de lois peut être contestée devant les autorités au nom des impératifs économiques et du bien des corporations.
Vous rappelez-vous des controverses survenues il y a quelques décennies en raison de la présence des caractères « ’s » à la fin des noms des commerces de propriété anglophone au Québec ? Il y a quelques années, un tribunal a stipulé que les marques de commerce n’étaient pas touchées par les obligations de francisation de l’affichage. En conséquence, plusieurs commerces ont changé leurs noms francophones pour des noms anglophones, alors que de nouvelles entreprises ont ajouté l’apostrophe et le « s » à leur bannière.
« Paranoïa ! » , diront certains. Peut-être. Toutefois, le recours à un clavier normalisé serait avantageux pour les utilisateurs d’ordinateurs actuels, qui ne seraient plus en état de confusion, tout comme pour les générations futures qui seraient plus efficaces que leurs aînés s’ils prenaient tôt l’habitude d’employer un doigté qui donnerait les bons résultats à tout coup. Et cet avantage fonctionnel résulterait en une efficacité accrue et en une productivité optimisée, des expressions qui sonnent comme de la musique aux oreilles des entrepreneurs et des argentiers de notre société.
D’ici là, trois choix s’offrent à l’utilisateur, soit : 1) la sélection d’un clavier normalisé à l’achat; 2) l’apposition d’autocollants sur les touches mal identifiées; ou 3) l’ignorance des inscriptions sur les touches.
Un nouveau produit à paraître cette année, soit un clavier ACL où les caractères inscrits sur les touches changent au gré des configurations, constitue la solution au problème. Or, il faudrait que l’approche soit adoptée par l’industrie au complet pour régler le problème une fois pour toutes, ce dont on peut sérieusement douter à moyen terme… Nos petits-enfants verront peut-être cette situation hypothétique se concrétiser, en autant qu’ils utilisent encore l’écriture à ce moment…