Le protocole IMAP, utilisé pour le courriel sur le Web, suscite un intérêt croissant. Peut-il remplacer le roi POP au sommet de la poste numérique? Observations et constats d’un scribe nomade.
Lundi dernier, je me suis amusé à faire le tour d’un très beau service de messagerie Web appelé GMX, un système allemand appartenant à la United Internet AG. Pour en avoir une bonne idée, je l’ai comparé à d’autres produits de cette engeance, soit Gmail, Live Mail (Hotmail), MobileMe (me.com), AIM, YahooMail et OperaMail. Cela m’a permis de constater que tous ces services étaient collés à un certain style de vie bien actuel, à une réalité de travail de plus en plus axée sur le collaboratif, le mobile, le léger, ainsi que sur le Web et ses innombrables technologies de communication (RSS, réseautage, tweets, etc.). Au départ, tous obéissent au protocole IMAP (Internet Message Access Protocol), une alternative en pleine expansion au POP (Post Office Protocol) utilisé depuis toujours en giron corpo et chez les fournisseurs d’accès Internet (FAI). Tandis que l’IMAP en est rendu à sa version 4, le POP en est à la 3. Autrement dit, tous deux ont évolué depuis les années 80. Tous deux ont leurs défenseurs/détracteurs et un débat très sérieux est en cours sur leurs avantages/désavantages. Il suffit de lire la fiche Wikipedia afférente pour s’en rendre compte : les opinions expertes s’y affrontent et la confusion y est manifeste. Ceci étant dit, j’ai noté plusieurs points qui semblent faire consensus, des points que j’ai souvent pu vérifier dans la pratique de mon métier de scribe un tantinet soit peu nomade. De prime abord, le protocole IMAP est un peu synonyme de service Web. Vous vous installez dans un café Internet à Amsterdam, dans un Starbucks de San Francisco, dans une salle de presse au Palais de Congrès de Montréal ou dans le stationnement du Jean Coutu de la rue Saint-Germain à Rimouski et, de votre bloc-notes ou téléphone intelligent – à moins que ce ne soit d’un appareil fourni par l’établissement – vous accédez à votre courriel, en prenez acte et y donnez suite sans devoir bricoler dans votre compte (p. ex. modifier l’info quant au protocole de sortie, le SMTP – Simple Mail Transfer Protocol). Ce qui signifie que vous pouvez voyager sans électronique. Il vous suffit de repérer un ordi accessible et d’ouvrir n’importe quel fureteur Internet. Si vous savez taper « gmail.com » ou « yahoo.fr » ou « gmx.fr » et si vous connaissez votre nom d’usager ainsi que de votre mot de passe, vous êtes en affaires. Vu autrement, supposons que vous êtes dans une salle de presse perdue au fond d’un méga « Convention Center » et que vous vous obstinez à utiliser absolument votre compte POP3 (probablement parce que vous tenez à tout conserver dans Outlook ou dans Apple Mail), vous ne pourrez communiquer par courriel avec votre rédacteur en chef si vous ne connaissez pas le SMTP utilisé sur place. Par contre, si vous êtes en IMAP, vous n’en aurez rien à cirer. Même les FAI offrent un tel service. Le mien, par exemple, utilise eCorrei, un système de Webmail basé sur l’IMAP. Je me connecte sur le site Web de mon FAI, je clique vers Webmail, j’entre mes infos personnelles et bingo ! Comme pour Gmail ou GMX ! Autre point intéressant : lorsqu’on se connecte en mode IMAP on s’installe, le temps de la consultation, sur le serveur éloigné. On a beau télécharger tout le courriel qu’on y trouve, on n’en prend, en réalité, qu’une copie. L’ « original » demeure sur le serveur IMAP tant qu’on ne pose pas un geste spécifique (p. ex., cocher une case à la gauche du message dans la liste des titres et appuyer sur le bouton « Delete »). Ce qui signifie que sur la route, nul n’est besoin de tout se télécharger dans un appareil qu’il faut traîner. On peut voyager très léger; notre base de courriel nous est constamment accessible où que l’on soit. L’expression « mon bikini, ma brosse à dents » acquiert ici un sens enrichi.
À l’inverse, le POP3 nous oblige, par défaut, à transvaser dans notre ordi tout le courriel accumulé chez notre FAI. À moins de cocher « Leave Mail on Server », fonction parfois difficile à repérer si l’ordi qu’on s’adonne à utiliser dispose d’un logiciel de courriel (p. ex. Eudora, Thunderbird, Apple Mail, etc.) différent de notre bon vieux Outlook si familier, on se trouve à faire le « ménage » à chaque vérification de courriel, ce qui n’est pas le cas avec un service IMAP. D’où les limites de stockage imposées par certains services. Par exemple, GMX n’accepte plus un bit passé 1 Go, Live Mail se met à hurler rendu à 5 Go, MobileMe trace une ligne à 10 Go et Gmail vient d’étirer sa bonté jusqu’à 25 Go. En revanche, Yahoo et AIM n’en ont aucune. Question : si, sur Yahoo, vous avez 3 456 messages accumulés et que vous entendez faire le ménage, de combien de temps aurez-vous besoin sachant que vous devrez procéder une page à la fois et que chaque page ne peut afficher qu’une quarantaine (ou cinquantaine) de titres de messages ? Avantage corollaire : non seulement il est possible d’accéder à son courriel à partir de machines multiples, mais les collègues, parents ou amis (pour peu qu’ils disposent du nom d’usager et du mot de passe) le peuvent également. C’est le cas, par exemple, de cette publication-ci qui dispose d’un service IMAP où aboutissent tous les communiqués de presse et autres documents de relations publiques. Ainsi, tous les journalistes de Direction Informatique peuvent y accéder à leur guise et se télécharger la copie du courriel qui les intéresse. Ce faisant, rien ne s’égare. Le problème que ce mode de fonctionnement impose est celui de la synchronisation dans un même logiciel de communication. Mon cas est exemplaire. Mon ordi principal, celui où j’ai mon système de courriel avec toutes mes archives, est un PC sous Vista 64 et le logiciel se nomme Outlook 2007. Mais quand je vais couvrir des événements à l’extérieur, je voyage avec un MacBook Pro qui utilise Gmail, MobileMe et, surtout, Apple Mail où la case « Leave Mail on Server » n’a pas toujours été bien cochée … Par ailleurs, je suis souvent en déplacement au Québec pour des raisons non professionnelles et je m’accommode soit d’un iPhone (avec lequel j’envoie régulièrement des messages que j’oublie de synchroniser, à mon retour dans Outlook), soit d’ordis que je trouve sur place en me connectant sur Gmail. De plus, étant donné qu’Apple m’a demandé d’essayer MobileMe, j’ai rendu publique, sur Technaute, une adresse « me.com » afin que les lecteurs puissent me joindre. Ce qu’ils font ! Si, au fil des ans, Outlook a pu récupérer l’essentiel de mon courriel en provenance de ma vieille adresse POP3, s’il sait recevoir une copie de ce qui entre en IMAP chez Gmail ou chez GMX, il est incapable d’en faire autant avec MobileMe. Même scénario avec les services IMAP qui n’arrivent pas à parler à la solution Apple. Tant et si bien que désormais, je dois vivre avec deux systèmes de courriel. Sans compter les flux RSS qui sont ici, pas là, et mes messages téléphoniques qui sont dans Gmail. En un mot, je souffre du Syndrome de la synchronisation foquée. Je perds des messages, je perds du temps et je haïs ça ! Parfois, quand je regarde les produits IMAP, je vois mal ce que peut m’apporter de plus Outlook. Ces services qui, à l’exception de MobileMe, sont gratuits, disposent des fonctions dont j’ai besoin, incluant les contacts qu’ils savent importer du célébrissime logiciel de Microsoft. La plupart acceptent même de ramasser le courriel qui provient de mon compte POP3, une antiquité de douze ans qui me vaut une masse quotidienne de courriel dont 80 % sont faits de messages non sollicités (communiqués de presse, etc.). Et la plupart ont des interfaces particulièrement bien adaptées aux exigences des téléphones intelligents. Autrement dit, moi qui ne suis pas dans un environnement corpo avec Exchange et tout le MS-Bordel, qu’ai-je besoin d’Outlook ? Compte tenu de l’espace de stockage ahurissant qu’offrent les services Web IMAP, ai-je vraiment besoin d’un « client de courriel » aussi sophistiqué que cet « incontournable » produit qui, d’un clic, peut me présenter des années de messages ? Pourrais-je me satisfaire d’un seul service Web IMAP (ouvert au POP3) tel Gmail ou GMX pour n’avoir, où que je sois, quel que soit le dispositif d’accès utilisé, qu’une seule base ? Auquel cas, que ferais-je de MobileMe qui, tout génial soit-il, ne peut être pris en charge par les autres solutions ? Bref, suis prêt à faire un « cyber-Cortez » de moi en débarquant dans la jungle du cyberespace après avoir incendié mes navires ? Non ! GMX a beau être une merveille, il a un bogue du côté importation de contacts à partir d’Outlook, Gmail dispose d’une interface qui ne correspond pas à ma définition de l’ergonomie, MobileMe est coupé des autres, Yahoo est truffé de pub, idem pour AIM et ainsi de suite. Tout cela pour dire qu’Outlook, ça gâte son homme et que, pour l’instant (je dis bien « pour l’instant »), il demeure mon roi de la POP … et de l’IMAP. Par défaut, il se maintient chez moi comme centre de communication et il le demeurera tant et aussi longtemps que les services IMAP n’auront pas grimpé quelques barreaux sur l’échelle de la perfection. Alors, à ce moment, il sera possible que je fasse le saut. Le « saut full Web » ! Comme le disait c’te gars, « The times, they are a-changing ! » Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.