Internet, qui connut un développement débridé durant les années d’opulence, est devenu aujourd’hui une véritable planète virtuelle, même si son ciel est assombri par le spectre récessionniste. Bilan et état de la « planète ».
Les années passées furent des années d’euphorie pour Internet. Il semble bien que l’année actuelle et celles à venir soient vouées aux affres de la crise économique.
Mais avant d’aller plus loin, un petit rappel. Internet est presque toujours assimilé au « Web », c’est-à-dire à son sous-ensemble de fichiers HTML, GIF et JPEG, indexés par les moteurs de recherche. La plupart des autres fichiers qui constituent Internet ne sont pas indexés et sont donc invisibles. La partie visible du Net ne représenterait que 1 % de l’ensemble du réseau.
Quoi qu’il en soit, et en se restreignant au Web visible, les zones d’Internet qui intéressent le présent propos sont celles qui concernent les organisations. Mais, par-dessus tout, ce sont leurs utilisations qui retiendront notre attention. Les huit zones actuelles de pratique du Net par les organisations sont les suivantes.
Les courriels
Ils constituent de loin la zone la plus vaste du Web visible. Les organisations disposent de multiples serveurs pour assumer une tâche qui, si elle ne semblait pas critique à ses débuts, est vite devenue indispensable.
La quantité de courriels archivés par les organisations est titanesque. Cela est-il nécessaire ou simplement prudent ? La question n’est pas nouvelle, mais toujours pertinente. Probablement qu’une procédure d’utilisation du courriel et une définition de ses contenus pourraient théoriquement régler le problème. Mais, c’est la pression de deux décennies d’Internet qui pousse dans l’autre sens.
La publication d’information
Il s’agit de la grande héritière du Web 1.0, avec sa multitude de pages HTML qui se succèdent par un simple clic sur un hyperlien. Ces pages, d’abord statiques, puis animées, ont pour objectifs de présenter aux lecteurs leur contenu informationnel. Il s’agit souvent d’information que l’utilisateur recherche. Les pages d’information, qui constituent cette zone, forment la plus vaste partie du Web. Certaines organisations disposent de plusieurs centaines de pages HTML. Leur problème le plus crucial est leur mise à jour, si elles ne sont pas supportées par un outil. Ces pages sont généralement accessibles par tous.
Le commerce et la livraison de services
La fourniture de services virtuels sur Internet a connu ses premières expériences avec le Web 1.0. L’apparition du Web 2.0, et de son apport de l’aspect transactionnel et personnalisé, a été le tremplin nécessaire à l’essor du commerce électronique. Bien que freiné par la confiance accordée à ce nouveau concept, et par les précautions nécessaires pour éviter le vol d’identité et la fraude, l’insistance de l’offre, des organisations et des systèmes bancaires ont permis à ces nouveaux champs de la mise en marché de devenir un joueur significatif.
La publicité et le marketing
La publicité et plus largement le marketing, ont été longtemps les deux aspects les plus lents à s’approprier Internet. Bien que les départements de marketing trépignaient sur place pour mettre à profit Internet, les organisations se sont montrées longtemps récalcitrantes. Ce n’est que récemment que la publicité a connu sa migration sur Internet. Cependant, comme presque tout ce qui survient sur Internet, lorsque le pas est franchi, l’avancée est considérable : tant la publicité que le marketing sont en pleine explosion sur Internet. Ils sont rapidement devenus des incontournables.
Le recrutement
S’il y a un domaine qui a connu tout un chamboulement, en un temps record, c’est bien celui du recrutement des employés au sein des organisations. Aujourd’hui pratiquement virtuel d’un bout à l’autre de la chaine, le recrutement se fait sur Internet. Le modèle ainsi développé est totalement intégré dans les processus organisationnels. Aussi efficace que rapide, aussi bon marché que profitable, cette façon de faire a gagné la planète entière et le bassin de recrutement s’est élargi d’autant.
Les approvisionnements
Il s’agit en fait, pour les organisations, de l’inverse du commerce électronique. Ainsi, avec le commerce électronique, les organisations vendent leurs produits par Internet, tandis qu’avec les approvisionnements virtuels, elles achètent sur Internet. Les achats électroniques ne sont pas nouveaux pour les organisations. En effet, avant Internet, il y avait l’EDI (Échange de Documents Informatisé), mais avec des coûts d’opération considérables. Internet a contribué à réduire ces coûts de façon drastique et donc à démocratiser ce procédé. De ponctuelle avec l’EDI, les approvisionnements virtualisés par Internet sont devenus monnaie courante, pour les petites comme pour les grandes organisations.
Les plateformes technologiques
Internet s’est immiscé partout, y compris dans les plateformes technologiques des organisations.
Les intranets
Les Intranets sont maintenant largement utilisés par la plupart des organisations comme moyen de communication interne. D’ailleurs, la distinction entre intranet et extranet s’estompe progressivement, pour faire place à un intranet global ou étendu. Celui-ci intègre les fournisseurs externes, comme membres actifs de l’organisation.
Les RPV
Les réseaux privés virtuels (RPV ou VPN en anglais) sont devenus la base de nombreuses architectures technologiques. Les RPV ont apporté aux applications informatiques la sécurité, la souplesse et la délocalisation de l’utilisation. Les RPV permettent l’utilisation des applications corporatives de partout, pourvu qu’il y ait une connexion Internet, et le nomadisme sécuritaire. Les outils de RPV offrent aujourd’hui un choix et une alternative viable et largement utilisée. C’est un secteur de développement en pleine effervescence dans les organisations.
Les applicatifs corporatifs
Internet, son protocole « IP » et son interface Web, sont devenus d’usage courant dans le développement même des applications corporatives. De plus en plus les applications internes, si elles ne sont pas réalisées avec des outils ou des langages propres à Internet, sont malgré tout rendues compatibles « Web ». L’immense avantage est que leur utilisation se fait au moyen d’un fureteur standardisé, réduisant les besoins de formation et de soutien des utilisateurs. De plus, ces applicatifs peuvent être utilisés de n’importe quel poste de travail connecté à Internet et de partout dans le monde. Certes, une telle pratique nécessite l’emploi d’une infrastructure sécuritaire.
Les GRC
Il s’agit des outils destinés à la gestion de la relation client. Les outils de GRC (ou CRM en anglais) visent à catégoriser, cibler, attirer et conserver les bons clients. S’appuyant sur le dogme que la qualité du service à la clientèle représente un facteur déterminant du succès de l’entreprise. Construire, puis développer de saines relations avec ses clients est tout un défi. Particulièrement lorsque l’organisation possède un bassin immense de clients. D’autant plus qu’ils ont de bonnes chances de communiquer dans de multiples langues, avec des us et coutumes différents et en utilisant des outils technologiques différents. Pour parvenir aux résultats que l’on attend d’eux, les systèmes de GRC doivent permettre aux organisations de comprendre clairement leurs clients, de segmenter le marché pour pouvoir adapter et personnaliser leur offre.
Les CMS
Il s’agit des logiciels de gestion du contenu, de plus en plus largement utilisés pour soutenir les sites Internet. Les CMS (Content Management Systems) se sont positionnés comme des outils incontournables de la production et de la gestion des sites web. Qu’ils soient à code source ouvert ou propriétaire, ils sont généralement bâtis sur le même modèle, quelque peu devenu standard. On y retrouve deux interfaces spécifiques, une pour l’administration et une destinée à l’utilisateur, un outil d’édition, genre traitement de texte simplifié, destiné aux contenus multimédias, et des gabarits de pages automatisés ((templates). On y trouve également un outil de gestion du flux d’informations, qui permet de travailler simultanément sur l’édition du site et sur la validation avant publication. Les CMS disponibles sont maintenant très nombreux et de bonne qualité. La plupart ont convergé vers une utilisation générale du langage PHP.
Les blogues
Les blogues sont cette zone qui offre aux organisations, mais surtout à leurs membres les plus loquaces une plateforme de communication sans égale. En effet, les blogueurs, qu’ils soient corporatifs ou individuels, deviennent alors les portes-flambeaux de leur positionnement informationnel. Un blogue bien utilisé est un outil très performant de communication. Malheureusement, trop souvent les organisations tentent de conserver une main mise sur les dires et les informations qui sont diffusés sur les blogues les concernant, afin que tout y soit aseptisé, ce qui en réduit la valeur et l’efficacité. Un individu qui semble parlé sans contrainte, même avec ses incertitudes et ses défauts, est toujours plus crédible. La blogosphère est une affaire humaine, par des humains, pour des humains, même dans un contexte corporatif.
En conclusion, il est à constater que l’utilisation, par les organisations, d’Internet en général et du Web en particulier est devenue quelque chose de standard. Le protocole « IP » fait maintenant partie de toutes les architectures technologiques corporatives. L’évolution des technologies n’ayant jamais de répit, toutes les zones d’utilisation d’Internet par les organisations, ont vu émerger, il y quelque temps, une immense convergence, aussi totale que générale. Une sorte de déplacement des plaques tectoniques des TI. Il s’agit de ce que les Anglo-saxons ont appelé cloud computing. Ce « nuage informatique » préfigure l’Internet tel qu’il voudrait être demain et se positionne comme l’infrastructure technologique destinée à être pourvoyeur des divers services spécifiques offerts directement ou en soutraitance par une myriade de prestataires distants et atomisés.
La localisation géographique a cessé d’être une contrainte de l’équation. Internet apporte donc aussi au « nuage informatique » son aspect réseau des réseaux. Il permet toutes les interconnexions matricielles possibles entre prestataires et utilisateurs, prestataires et prestataires ainsi qu’entre utilisateurs et utilisateurs. C’est un effet réseau gigantesque, évolutif et multiplicatif s’accroissant à l’infini en fonction de la conjoncture et de son environnement d’utilisation. C’est comme si l’ensemble de l’informatique de l’organisation se faisait sur Internet, sans que l’utilisateur n’ait besoin de savoir, qui fait quoi et ni ou exactement. Le tout consommé et tarifé comme un service à la demande. Toute l’informatique est alors dans le nuage Internet, ou du moins se consomme au travers du nuage Internet. Internet devient alors la plateforme technologique universelle.
Mode ou révolution de fond? Seul l’avenir le dira, mais en attendant il va falloir prendre des décisions importantes concernant cette approche et avec un facteur élevé de risque corporatif.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.