À l’ère de la société de l’information, il est plus facile que jamais de partager sa créativité et ses idées. Il est aussi plus ardu de la faire valoir comme étant sienne et même de se la faire subtiliser…
Décidément, ce ne sont pas les idées qui manquent sur la Toile. Tous les jours, du contenu constitué de texte, d’images, d’illustrations, de son et de vidéo est partagé en grande quantité par le biais d’Internet, que ce soit sur des sites Web, des réseaux sociaux dans des canaux d’interaction.
Par millions, des personnes informent et partagent des connaissances ou des contenus avec d’autres personnes qui s’informent et apprennent. À leur tour, ces personnes pourront informer et partager leurs nouvelles connaissances et les contenus découverts avec d’autres personnes.
Ces connaissances et ces contenus, toutefois, ont une origine. Quelqu’un a eu une idée, l’a structurée puis l’a concrétisée par la parole ou le geste. Généralement, cette personne souhaitera qu’on sache que des connaissances et des contenus sont le fruit de ses labeurs physiques ou mentaux. Ainsi, il apposera son nom ou sa signature sur un objet ou au bas d’un texte, pour en identifier l’origine et en revendiquer la paternité.
Qui dit quoi?
Ainsi, une personne qui utiliserait le contenu serait tenue d’en préciser la provenance, afin que les autres sachent qui en a eu la brillante (ou la sombre) idée. En journalisme, en histoire et en recherche scientifique, les professionnels sont tenus de préciser leurs sources d’information afin que d’autres puissent les vérifier, les valider ou même les mettre en question. Les corporations obtiennent des brevets d’invention et des marques de commerce, les artistes font inscrire dans un registre qu’ils sont les auteurs ou compositeurs d’une chanson, etc.
Or, des personnes sans scrupule s’approprient des idées et des contenus pour épater la galerie ou bien pour obtenir quelques dollars. Et sur Internet, les cas se multiplient. Quelqu’un formule une idée sur un microblogue? Hop! D’autres la relaient sans en mentionner l’auteur et se font du capital au détriment de l’auteur. Une jeune écrivaine trouve un manuscrit intéressant sur un site Web à l’autre bout de la planète? Hop! En deux combinaisons de touches de clavier, le texte est saisi afin d’être soumis tel quel à un éditeur. Un publiciste voit une annonce d’un restaurant sur un blogue obscur sur un autre continent? Hop! Il en reproduit l’idée dans un projet pour un de ses clients.
Certes, il y a une zone grise. En musique électronique, on utilise fréquemment des échantillons de chansons dans une nouvelle pièce musicale. S’il s’agit d’un très court clip sonore que l’on modifie et triture, l’artiste peut invoquer l’utilisation d’un élément à titre de canevas pour sa créativité. Mais s’il s’agit d’un extrait d’une chanson archi connue, il est de mise de demander la permission et d’en mentionner l’auteur, qu’il s’agisse d’une vedette pop moderne ou d’un compositeur classique du 18e siècle (même si ce dernier n’est plus vivant pour donner son accord, il serait honnête de préciser qu’il en est l’auteur). Donc, il y a une différence entre l’inspiration et l’emploi d’une matière brute d’un côté et la copie et le plagiat de l’autre.
Vérification numérique
Certains plaideront l’innocence. Il est vrai qu’il est difficile de vérifier l’existence de toutes les idées et de tous les contenus de la planète. Il existe des spécialistes dont le travail consiste à faire des vérifications de la sorte. Toutefois, il est possible que deux personnes situées aux antipodes de la planète aient une même idée. Mais il est difficile, à l’époque où l’accessibilité aux ressources d’information ne cesse d’être facilitée, de plaider l’ignorance.
Qui sait, un jour on pourra peut-être insérer une idée, un concept ou un croquis dans un moteur de recherche hyperpuissant qui analysera en quelques minutes tout ce qui existe au sein des réseaux et des archives pour confirmer si l’élément vérifié est unique, rare ou bien très commun.
Donc, il serait honnête de citer la provenance des idées originales que l’on partage, au risque d’être soi-même victime d’une telle omission, un jour ou l’autre, dans l’univers numérique…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.