Le cloud computing: voie d’avenir ou pelletage de nuage?

POINT DE GESTION Le nuage informatique et son utilisation comme extension de l’infrastructure informatique d’entreprise. Analyse.

Le thème

Les développements effrénés que connaissent parallèlement, l’Internet, le Web 2.0, les services en lignes, l’impartition, l’amélioration du bilan économique des organisations, l’alignement stratégique des objectifs et la fusion organisationnelle, ont fini par accoucher d’un nouveau concept, encore un peu nébuleux, le cloud computing, que l’on appelle aussi l’informatique en nuages ou nuage informatique. Quels en sont les impacts pour les organisations, en général, et les TI, en particulier?

Les faits

Comme c’est la coutume dans les TI, des concepts nouveaux et de tout acabit foisonnent de partout. Les responsables des TI en sont submergés au point que cela devient difficile de faire un choix éclairé et circonstancié.

Parallèlement, les pressions organisationnelles et médiatiques s’exercent en permanence sur les TI et leurs responsables. Comme il s’agit de nouveaux concepts, très peu de retour d’expérience sont disponibles pour analyse. Encore mal connus dans leur déroulement comme dans leurs résultats, ces nouveaux concepts sont surtout étayés par des prévisions, voire des perspectives de spécialistes, le tout à saveur (souvent) très marketing .

L’évolution

Le terme de cloud computing est souvent traduit dans la littérature par « informatique dans les nuages », ce qui est loin de sa signification et peut sembler péjoratif. L’expression de « nuage informatique » semble plus appropriée.

• Une question de définition

Le cloud computing est avant tout un paradigme, médiatisé de façon récente, même si le concept théorique a déjà quelques années. Il faut comprendre que dans l’expression cloud computing, le mot cloud est la métaphore imagée de la représentation symbolique habituelle de l’Internet et du Web, sous la forme d’un nuage.

Ainsi, le cloud computing et principalement son nuage préfigure l’internet et le positionne comme l’infrastructure technologique destinée à pourvoir les divers services spécifiques offerts directement ou en sous-traitance par une myriade des prestataires distants, et atomisés au travers de la planète.

La localisation géographique a cessé d’être une contrainte de l’équation. Internet apporte donc aussi au nuage informatique son aspect réseau des réseaux, permettant toutes les interconnexions matricielles possibles entre, prestataires et utilisateurs, prestataires et prestataires ainsi qu’utilisateurs à utilisateurs. Ces interconnexions peuvent être de 1 à n, de n à 1 ou de n à n. C’est un effet réseau gigantesque, évolutif et multiplicatif s’accroissant à l’infini en fonction de la conjoncture et de son environnement d’utilisation.

C’est comme si l’ensemble de l’informatique de l’organisation se faisait sur Internet, sans que l’utilisateur n’ait besoin de savoir, qui fait quoi et ni ou exactement. Le tout consommé et tarifé comme un service à la demande. Toute l’informatique est alors dans le nuage Internet, ou du moins se consomme au travers du nuage Internet. D’où son appellation de nuage informatique.

• De la théorie à la pratique

Le nuage informatique présente théoriquement une longue liste d’avantages intrinsèques. Cependant, dans le monde réel, il faut tenir compte de nombreux événements parallèles et non théoriques, comme la réticence humaine au changement, le degré d’appropriation par les utilisateurs, les tarifications implantées, les approches marketing utilisées, la conjoncture économique, l’impact sur l’aspect concurrentiel et la performance de l’organisation utilisatrice. Malgré tous ces facteurs de risques, le plan d’affaire du nuage informatique est plutôt positif.

D’ailleurs, le respectable groupe Gartner considère le nuage informatique parmi les 10 plus importantes stratégies en TI pour 2009. Si cette échéance semble un peu prématurée, il se pourrait bien que d’ici quelques années la prédiction soit effective.

Individuellement, le concept de services Web n’est pas nouveau. Il est déjà en place depuis un certain temps. Tout comme les services d’hébergement, le modèle ASP, son frère, le modèle SaaS, l’utilisation d’entrepôt de données en ligne, ou encore la location de puissance de calcul distante. Ce qui est plus nouveau, c’est la technologie permettant la virtualisation d’espace disque de très grande taille, tout aussi distant et réparti, de même que la généralisation potentielle de cette pratique, de façon professionnelle et en dehors du concept d’impartition. Avec, à la clé, la consommation de toute cette informatique et de ses services, à la demande.

• Aspect économique

L’aspect économique présente deux grands pans. L’aspect économique de l’infrastructure et de la diffusion des services, c’est la vision prestataire. Et l’aspect économique de la consommation des services offerts (tarification) et de la possession des matériels nécessaires. C’est la vision utilisateur corporatif, il s’entend.

En ce qui concerne la vision prestataire, la question qui sepose est qui paiera pour cette gigantesque infrastructure au moment defaire le décompte sur larentabilité? Même si c’estle réseau d’Internet qui est utilisé, cela n’est pas gratuit. Les abonnements suffiront-ils pour couvrir les frais des prestataires? De toute façon, pour que, à ces débuts le nuage informatique fonctionne et présente de l’intérêt pour les consommateurs, l’infrastructure et la masse critique des services opérationnels et fiables devront être en place. Il y aura donc de colossaux investissements originaux à faire. Un nouveau modèle économique, disposant d’un nouveau modèle de tarification et de facturation conforment à un nouveau modèle d’affaires devront être mis en place.

La prémisse de l’approche du nuage informatique est la tarification à la consommation. On peut imaginer la facturation basée sur : le nombre d’heures d’utilisation d’un ou plusieurs ordinateurs distants, tant pour la puissance de calcul que pour l’utilisation du matériel; les heures d’utilisation des logiciels ou des applications avec licence. Ainsi, on paie l’utilisation des logiciels avec licence au nombre d’heures d’utilisation…

• Un défi à la hauteur

Le défi principal du nuage informatique sera son investissement initial. Celui-ci sera très important et ne pourra être supporté que par de grands joueurs. Comment se fera sa rentabilité et à quel niveau? Le rendement sur l’investissement sera un indice de mesure important pour les prestataires de services et les investisseurs dans l’infrastructure. Le ou plutôt les marchés du nuage informatique contiendront probablement le secret de sa rentabilité.

Il est possible et intéressant de faire un parallèle entre l’Internet et le nuage informatique, en les approchant chacun par le biais de leurs déclinaisons en « intra », c’est-à-dire en « intranet » pour l’un et en intra-nuage-informatique pour l’autre. L’intra-nuage-informatique sera au nuage informatique de l’organisation ce que l’intranet est à son Internet.

Ainsi, de la même manière, l’entreprise privée ou le secteur gouvernemental pourrait s’avérer être un marché initial pour le « décollage » du nuage informatique en l’utilisant comme une version d’intra-nuage-informatique, qui est une réplique du nuage informatique à l’échelon des TI de l’organisation et pour son usage propre. Si l’intra-nuage-informatique n’est pas aussi rentable que le nuage informatique global, il pourrait cependant être un passage obligé intermédiaire, plus sécurisé et plus facilement acceptable pour les organisations. Le nuage informatique pratiqué à l’échelle d’une entreprise pourrait être un premier pas vers sa généralisation dans l’externalisation de la majeure partie des services informatiques.

La conclusion

Le nuage informatique va faire face à la même problématique de sécurité que l’accès aux sites transactionnels du Web, évoquée dans le cas du commerce électronique et des services en ligne. Le point névralgique est généralement l’attribution de la responsabilité, donc de la perte financière en cas de sinistre.

Comme pour le commerce électronique, il est impératif que les prestataires, qui briguent le marché, fournissent suffisamment des preuves adéquates de bon fonctionnement et de risques minimes, pour boucler l’incontournable cercle de confiance. Le commerce électronique y est parvenu quand les banques ont endossé une part du risque en ce qui concerne l’utilisation abusive des cartes de crédit lors des transactions en ligne.

Même, s’il reste encore du chemin à faire pour convaincre les organisations que leurs données stratégiques ne risquent rien, une fois entreposées sur des disques lointains, chez le sous-traitant chinois, d’un prestataire de services coréen, dont le commettant québécois, vendu a des intérêts américains, dit le plus grand bien.

Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.

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