Le lissage du trafic Internet cause bien des remous chez les fournisseurs et les internautes. Avec l’évolution des applications et les nouvelles générations de contenus, les besoins en bande passante seront considérables. Qui dictera l’avenir de la réseautique?
Depuis quelques mois, des fournisseurs de services Internet (FSI) et des internautes manifestent leur mécontentement envers l’entreprise qui revend des services d’accès aux FSI, en lui reprochant de limiter la vitesse de transfert des données à certaines heures de la journée. Le CRTC a récemment débouté l’Association canadienne des fournisseurs Internet, mais les opposants n’ont peut-être pas dit leur dernier mot dans ce dossier.
En parallèle, des fournisseurs d’accès à Internet appliquent des restrictions de bande passante ou appliquent des tarifs astronomiques lorsque des clients outrepassent une « utilisation normale » des réseaux de données filaires ou sans fil. De temps à autre, un cas d’utilisateur ayant reçu une facture de plusieurs centaines de dollars fait la manchette. Qui plus est, récemment, une controverse a éclaté lorsque des fournisseurs ont établi des limites à leur « service illimité », ce qui s’est soldé en des plaintes et des démarches judiciaires. À chaque fois, on relance de plus belle le débat entourant la légitimité des fournisseurs à établir des limites d’utilisation hors du contrat établi avec le client.
Or, l’enjeu véritable se situe au niveau de la capacité des réseaux de données à pouvoir répondre à la demande au cours des prochaines années. Alors que le nombre d’utilisateurs de la réseautique à haute vitesse augmente et que le retard de l’offre dans les zones rurales éloignées devra éventuellement être comblé, de gré ou de force, on ne peut qu’envisager des hausses du nombre d’utilisateurs et du trafic sur Internet.
Plus encore, la télévision haute définition est à nos portes. Chez nos voisins américains, elle sera une réalité dès 2009, alors qu’elle se concrétisera ici deux ans plus tard. Si la tendance se maintient, les consommateurs se procureront des caméscopes à haute définition qui produiront des contenus de grande qualité dont les fichiers numériques se calculeront en gigaoctets. Est-ce que les internautes seront enclins à transmettre ou à publier sur des sites de partage des clips en définition standard et en format timbre-poste?
D’autre part, le nombre d’amateurs de jeux vidéo ne cesse d’augmenter, tout comme la performance des consoles et l’adoption du jeu en ligne. Est-ce que les joueurs se contenteront d’images saccadées et de haute latence? Enfin, des fournisseurs de services de communications envisagent d’offrir la télévision sur IP. S’ils désirent offrir un grand nombre de canaux aux clients, ils devront adapter la tuyauterie requise.
Tôt ou tard, les besoins en bande passante des individus exploseront. Les jours des modems à 14,4 kilobits à la seconde seront bien loin! Ce sont des gigabits à la seconde qui seront requis dans les domiciles, ce qui nécessitera chez les fournisseurs des réseaux dorsaux dont la bande passante se calculera en térabits ou en pétabits.
Quand les fournisseurs passeront-ils à l’action pour mettre à niveau leurs réseaux? En feront-ils payer le prix aux clients, alors que dans d’autres coins du monde les services sont déjà plus performants à une fraction du prix exigé ici? Est-ce que les fournisseurs appliqueront encore des limitations, alors que le concept de qualité de service serait censé être appliqué depuis belle lurette?
Les fournisseurs justifient leurs agissements par les coûts associés à l’implantation et l’exploitation d’une infrastructure de réseau performante. Or, bien des utilisateurs au comportement légitime, qu’il s’agisse d’individus ou d’organisations, sont exaspérés par les goulots d’étranglement, tout comme ils sont frustrés de se faire proposer des alternatives performantes à des prix ridiculement élevés. Dire que des pays du tiers monde font la leçon à un pays qui a été pendant des décennies un fleuron mondial de la réseautique et des communications à distance!
Un jour, peut-être, un fournisseur étranger arrivera en sol canadien, créera des emplois et déploiera une infrastructure extraordinaire où la performance et la qualité iront de pair avec des prix risibles. Les fournisseurs actuels, alors, pousseront de hauts cris. Les internautes, alors, savoureront peut-être une douce revanche numérique…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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