La prochaine version de Windows sera-t-elle le bon produit, au mauvais moment, étouffé par une crise économique qui touchera le marché informatique?
Si l’on se fie aux rumeurs, incluant celles glanées chez Microsoft, Windows 7 sera livré aux fabricants de PC en octobre 2009 et au grand public un mois plus tard. Grosso modo, d’ici un an, vous et moi pourrons l’utiliser dans notre quotidien informatique. Steven Sinofsky, le VP principal de Microsoft qui tient le fouet, ferait en sorte que le produit soit prêt pour le marché des fêtes. À Redmond, on a toujours sur le cœur le désastreux retard de Vista qui n’était apparu en boutique que le 30 janvier 2007. Mais deux questions se posent : le nouveau système d’exploitation de Microsoft se vendra-t-il et à quel prix sera-t-il offert?
Regardons d’abord la situation économique. Il appert réaliste de croire que dans un an d’ici, il n’y aura pas d’arc-en-ciel luisant de toutes ses couleurs au bout de la récession. Au contraire, tout porte à croire que le cyclone financier qui balaie présentement les États-Unis avec toutes les incidences que cela suppose sur les économies nationales, notamment celles du BIC (Brésil Inde Chine) et de l’Europe, aura été rétrogradé au rang de tempête tropicale.
Si tel est le cas, on peut imaginer que d’ici un an, il continuera à y avoir des Américains qui perdront leur emploi (secteurs financier, automobile, construction, etc.), qui se feront saisir leur maison (2 700 par jour entre juillet et septembre dernier), qui devront remettre les clés de leur voiture à la banque, qui se placeront sous la protection de la loi, étant incapables d’honorer leurs paiements de cartes de crédit ou, à tout le moins, qui gèreront leurs finances personnelles de façon très très serrée. Côté entreprise, on peut imaginer qu’il continuera à y avoir des mauvais rendements trimestriels, des résultats pour angoisser les actionnaires, des reports de grands projets, des mises à pied, des appels moindres auprès des fournisseurs, de la gestion au sous noir près.
Avec une telle toile de fond, les gens auront des décisions à prendre. Et celle de se demander, par exemple, s’ils doivent changer d’ordinateur ne comptera peut-être pas parmi les plus essentielles.
Le cas échéant toutefois, leur machine, probablement sous Win XP, datant un peu et à comparer à ce qui se vendra alors, pourrait être jugée insatisfaisante. Mais peut-être qu’au lieu d’investir les 1 000 $ ou les 1 500 $ nécessaires à un nouveau système, ils s’offriront une simple mise à niveau pour une fraction du prix : barrette supplémentaire de mémoire, disque à plus forte capacité, moniteur plus ergonomique, etc. Auquel cas, ils conserveront leur version de Windows pour « encore un p’tit bout de temps ».
Mises à pied ou mises à jour?
En entreprise, où on risque de se retrouver avec un surplus d’ordinateur et de licences si on a fait des mises à pied, on hésitera avant de rajeunir son parc. Reste que mises à pied ou non, on hésitera avant d’investir; on voudra voir vers où file le courant.
Ou peut-être que les gens se laisseront séduire par ces NetBooks, UltraThin PC, UltraLight PC et autres mini blocs-notes, des machines sous Linux ou Win XP qui se vendent moins de 400 $US. On considérera peut-être que rajouter 400 $ sur une carte de crédit déjà très alourdie n’est peut-être pas si dramatique ou significatif. Mais plusieurs verront les limitations de ces appareils (soutien Linux problématique, problèmes de pilotes, de clavier, etc.) et comprendront qu’il s’agit en réalité d’un ordinateur secondaire, un sympathique bidule rudimentaire conçu pour la route et que l’on synchronise avec son ordi principal. S’achète-t-on un deuxième PC quand on racle les fonds de tiroirs pour payer l’épicerie?
Côté entreprise, on sait que les « road warriors » lorgnent de plus en plus vers les téléphones intelligents, ces Treo, Blackberry et autres iPhone, des appareils de dernière génération que l’on tient dans la main et qui font essentiellement tout ce qu’un mini bloc-notes sait faire. Pourquoi traîner deux zinzins sur la route quand un seul suffit? En ce sens, si, en temps incertains, on est pour investir sur l’efficacité de ses « reps-mobiles », va-t-on les nantir d’un bloc-notes, pleine grandeur ou mini, ainsi que d’un téléphone, alors qu’un seul appareil de type « smartphone » peut faire le travail?
Mettons de côté les éléments négatifs entourant les mini blocs-notes et faisons l’hypothèse, comme Redmond semble l’avoir faite, qu’il s’en vendra, dans un an d’ici, à la satisfaction de leurs fabricants. C’est ainsi qu’au récent WinHEC 2008, la géante du logiciel a présenté un Eee PC (Asusteck) où ronronnait Windows 7 installé sur un disque SSD de 16 Go. Cela pour démontrer qu’il y aura effectivement différentes saveurs de Win 7.
Celle que j’ai ici se nomme « Ultimate » et permet de tout faire, incluant de m’amuser sur un Tablet PC comme je le fais sur un iPhone. Est-ce que cette version haut de gamme sera vendue au même prix que celle de Vista, soit autour de 500 $CAN (250 $US ce matin sur Amazon), ou est-ce que Microsoft décidera d’être plus raisonnable, d’être moins cupide? À titre indicatif, le Mac OS X 10.5, un produit concurrentiel à Vista Ultimate, se vend 129 $CAN.
Qu’en sera-t-il pour la saveur de base spécifique aux minis blocs-notes? Sera-t-elle vendue plus cher, pas plus cher ou moins cher que le prix de la machine? Répondre à ces questions équivaut, quelque part, à dire si oui ou non Windows 7 connaîtra un succès commercial en ce giron.
Quand Vista est arrivé sur le marché, en retard d’au moins deux mois, son écosystème n’avait pas suivi et il comportait de nombreux bogues. De plus, les utilisateurs de Windows étaient satisfaits de XP SP2. Même que de nombreuses organisations venaient de déployer cette mouture lancée en 2001. Ce fut un échec, malgré l’économie qui allait bien, bref, une histoire de mauvais produit au bon moment.
Quand d’ici un an, Windows 7 débarquera chez nous, l’écosystème sera prêt (jure-t-on à Redmond), le produit sera aussi débogué qu’il est possible de déboguer un logiciel en version 1.0 (a garanti M. Sinofsky) et les utilisateurs de Windows en auront assez de XP, voire de Vista, ce qui inclut le monde corporatif (présume-t-on partout). Malheureusement, l’économie sera malade ou, au mieux, en convalescence extrême. Je ne veux pas prédire que les ventes de Win 7 seront décevantes, je dis plutôt que comparé à Vista, il s’agira possiblement d’une histoire de bon produit au mauvais moment.
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.