Alors que Microsoft institue une journée mondiale contre le piratage, une campagne publicitaire anonyme porte au quiproquo…
Le 21 octobre, selon l’éditeur de logiciels Microsoft, sera dorénavant identifié comme étant la « journée mondiale contre le piratage » (Global Anti-Piracy Day).
L’entreprise d’envergure mondiale a donné le coup d’envoi à diverses initiatives qui auront lieu dans 49 pays, dont des campagnes de sensibilisation à propos de la propriété intellectuelle, des forums éducatifs, la réalisation d’activités avec des partenaires commerciaux, la formation des forces policières locales ainsi que de nouvelles procédures judiciaires contre de présumés pirates et contrefacteurs. Une mappemonde interactive publiée en ligne fait état des litiges liés au piratage de produits Microsoft et d’histoires vécues par des consommateurs à propos de cet enjeu à travers le monde.
En affirmant que plus d’un ordinateur sur trois contient des logiciels piratés ou contrefaits, Microsoft s’engage à oeuvrer avec les communautés, les gouvernements et les forces policières pour « protéger ses clients et partenaires et promouvoir la valeur de la propriété intellectuelle comme un moteur de l’innovation. » Outre la sensibilisation, l’entreprise dit utiliser la veille commerciale et la criminalistique pour identifier les malfaiteurs.
Le communiqué de presse publié sur le site américain de Microsoft fait état d’initiatives éducatives et légales initiées un peu partout sur la planète, notamment un programme d’ambassadeur en Italie où les employés de Microsoft sensibiliseront leurs familles et leurs amis par le biais de « réseaux sociaux informels. » Aux États-Unis, l’éditeur a amorcé une vingtaine de poursuites dans neuf États contre des revendeurs qui auraient vendu des ordinateurs contenant des logiciels sans licence ou contrefaits. La version canadienne du document d’information évoque des poursuites entamées cet été contre six revendeurs de l’Ontario et du Québec qui sont soupçonnés d’avoir installé sans autorisation des copies de produits Microsoft sur des ordinateurs vendus à des consommateurs.
Imbroglio publicitaire
Or, une affiche publicitaire anonyme, aperçue depuis quelques jours à plusieurs endroits à Montréal, semblait être liée à cette initiative visant à contrer le piratage.
L’affiche titrée « Avez-vous vu cet homme? », qui a été observée sur des chantiers de construction et de démolition, ressemble à un avis de recherche. Arborant un portrait-robot et une fiche signalétique, on peut y lire cet homme a été pris en flagrant délit sur le campus à offrir Microsoft (MD) Office 2007 Édition intégrale aux étudiants à un prix 91 % moins élevé que le prix de détail estimatif. Contrairement aux avis de recherche formels, l’affiche ne comporte aucun nom ni coordonnée de contact d’une organisation ou d’une force policière qui souhaiterait en savoir davantage sur les agissements de ce suspect.
Plusieurs indices laissaient croire qu’il s’agit d’une forme de publicité et non d’un véritable avis de recherche. Outre un sourire en coin sur le visage du suspect, on note l’utilisation d’un pourcentage pour quantifier une différence de prix, la nomenclature complète d’un nom de produit et surtout la présence des lettres « MD », pour « marque déposée. » Également, l’utilisation du mot « estimatif » s’avère être peu courante au Québec, alors que le mot « suggéré » aurait été plus approprié.
Par ailleurs, la fiche signalétique comporte des erreurs flagrantes. La première ligne est intitulée « Race Taille » et ne comporte que la définition de la race, alors que la taille, qui varierait entre 5 pieds 7 pouces et 6 pieds 3 pouces, est indiquée à la ligne « Poids ». Le poids, quant à lui, n’est indiqué nulle part.
S’agit-il d’une dénonciation de la revente de produits contrefaits sur les campus étudiants?
Ni l’équipe de High Road Communications, l’agence de relations publiques qui représente Microsoft au Québec, ni celle de HKDP, l’agence de relations publiques qui représente l’Alliance canadienne contre le vol de logiciels, n’étaient au courant d’une telle campagne publicitaire. L’agence publicitaire McLaren McCann de Toronto, qui est mandatée pour la publicité de Microsoft au Canada, n’a pas retourné l’appel logé par Direction informatique.
Or, une interrogation de mots clés dans le moteur de recherche Google a permis de trouver le pot aux roses : un article publié sur le site américain Likehacker fait état d’une promotion offerte aux étudiants, qui peuvent obtenir la suite de bureautique de Microsoft à un prix moindre de 91 %.
Une visite du site de Microsoft a permis de découvrir une page décrivant une promotion à l’intention des étudiants des cégeps et des universités du Canada. Les étudiants peuvent obtenir Microsoft Office 2007 Édition intégrale pour 64 $ s’ils ont une adresse de courriel valide dans un établissement d’enseignement canadien, s’ils sont inscrits à un cours donnant au moins un demi-crédit et s’ils peuvent fournir une preuve d’inscription sur demande.
Bref, il s’agit d’une publicité dont le but est d’inciter des étudiants à acheter au rabais un produit informatique, mais qui prend la forme d’une dénonciation d’une pratique illicite.
Dans le contexte de l’initiative antipiratage réalisée cette semaine, la campagne promotionnelle anonyme de Microsoft est certainement susceptible de semer la confusion…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.