Un nombre impressionnant de personnes contractent des blessures parce qu’elles utilisent l’ordinateur abusivement. Il s’agit d’un problème qui engendre d’énormes coûts dans les entreprises et la société en général. Aussi, les chercheurs tentent de mettre au jour de nouveaux moyens de prévention.
Aujourd’hui, l’informatique est présente dans toutes les sphères de la vie, au travail comme à la maison. Aux États-Unis seulement, le nombre de personnes utilisant un ordinateur est évalué à 100 millions. Si la productivité des individus et des entreprises s’en trouve rehaussée, le phénomène comporte aussi ses périls. L’un d’eux est la forte augmentation des microtraumatismes répétés qu’entraîne la manipulation constante du clavier et de la souris.
Une étude menée l’année dernière au Royaume-Uni estime à 400 000 le nombre de personnes souffrant chaque année de microtraumatismes répétés dans ce pays. Provoquées ou aggravées par les activités professionnelles, ces blessures entraînent la perte de quelque quatre millions de jours de travail annuellement.
En Inde, une enquête conduite auprès de 30 000 professionnels des TI révèle que 75 % d’entre eux souffrent de symptômes musculosquelettiques liés au travail. Dans presque 60 % des cas, le cou et la partie supérieure du dos sont affectés, dans 40 % des cas, il s’agit du bas du dos et finalement, dans 30 % des cas, il s’agit du haut du dos seulement.
Certaines études suggèrent que 60 % des professionnels des TI passant plus de huit heures par jour à l’ordinateur souffriront probablement de microtraumatismes répétés à un moment ou à un autre. D’autres indiquent que le tiers des utilisateurs est affecté.
Selon Alan Hedge, professeur de design et d’analyse de milieu à l’Université Cornell, et grand spécialiste de l’ergonomie, entre le tiers et la moitié des indemnisations versées en raison de blessures aux États-Unis sont liées à des problèmes découlant de mouvements répétitifs. En outre, les maux de dos comptent pour le tiers des blessures au travail. Autrefois causés par la manipulation de lourdes charges, les maux de dos sont aujourd’hui provoqués en grande partie par les longues périodes où l’on demeure assis – la plupart du temps devant un ordinateur.
Comment les blessures se manifestent-elles?
L’expression « microtraumatismes répétés » est générique; elle englobe diverses lésions causées par l’utilisation abusive de muscles spécifiques. Les microtraumatismes répétés peuvent toucher différentes parties du corps et se manifester sous des formes diverses : tendinite, bursite, syndrome du canal carpien, doigt ou pouce à ressort, douleurs myofaciales, dystrophie sympathique réflexe…
Ces affections s’expliquent principalement par le fait que les muscles sollicités demeurent tendus durant de longues périodes en raison d’une posture défavorable, de mouvements répétitifs, d’un poste de travail peu ergonomique ou, même, du stress.
On peut les reconnaître à divers symptômes : douleur ou tension épisodiques dans la nuque, les épaules, le dos, les bras ou les mains, perte partielle de sensation, déclin de la force de préhension, maux de tête, faiblesse, fatigue… Une fois qu’ils ont été contractés, les microtraumatismes répétés peuvent se révéler difficiles à soigner. Par exemple, le syndrome du canal carpien est incurable. Certaines personnes atteintes de blessures graves doivent abandonner leur carrière, faute de pouvoir continuer à utiliser l’ordinateur au quotidien.
Même les individus dans la force de l’âge sont touchés. Au début des années 1990, les cas de syndrome du canal carpien se rencontraient surtout chez les personnes à la fin de la trentaine et au début de la quarantaine. Aujourd’hui, Alan Hedge constate que l’âge moyen se situe dans la mi-vingtaine, et même avant pour certaines personnes. La tendance n’est pas prête de s’estomper, puisque de nos jours, les enfants commencent souvent à utiliser l’ordi dès l’âge de deux ans…
Que faire?
Pour prévenir ces difficultés, diverses précautions sont suggérées par les spécialistes de la question. Notamment, se lever de sa chaise, marcher et faire des étirements pendant au moins deux minutes chaque demi-heure; utiliser un poste de travail ergonomique; tenir ses poignets droits pendant la frappe, sans les appuyer sur l’ordinateur ou le bureau; utiliser des dispositifs d’entrée de données permettant de reposer ses bras et ses mains, comme les systèmes de reconnaissance vocale et les tablettes graphiques.
De nouveaux moyens de soulager les maux des professionnels des TI et des utilisateurs en général pourraient bien s’ajouter aux méthodes de prévention traditionnelles. Ainsi, les travaux du professeur Hedge ont démontré l’utilité d’outils tels que la chaise ondulante, la souris à vibration et l’écran suspendu au-dessus du bureau sur un bras amovible.
Pour lui, le recours à de l’équipement ergonomique représente non seulement la santé, mais des économies substantielles. Souvent, les dirigeants d’entreprise lui demandent quelle chaise ils peuvent acheter à l’intention de leurs employés au prix d’environ 300 $. Selon lui, il s’agit là d’une fausse économie. Pour avoir une très bonne chaise au lieu d’une chaise ergonomiquement passable, il suffit d’ajouter un autre 300 $. En comparaison d’une blessure sérieuse, il s’agit là d’un investissement insignifiant – le syndrome du canal carpien peut entraîner des dépenses de 100 000 $. Plus de 90 % des coûts d’une entreprise ont trait aux gens, croit-il. Dans ce cas, les dépenses relativement minimes liées aux postes de travail peuvent s’avérer très rentables.