Il ne fait plus aucun doute que tout service informatique se doit d’aligner ses objectifs et ses ressources sur ceux de son organisation. Mais sous l’influence des inconditionnels de l’alignement stratégique, des prophètes de la fusion, des gourous de ITIL, des promoteurs d’ISO 20000, quels gestes faut-il poser au juste?
La problématique
Malgré des efforts désespérés de certaines organisations, la fidélisation de la clientèle ne lève pas toujours. Il faut sans cesse recommencer à zéro ou presque la prospection de la clientèle. Ce qui rend difficile l’investissement en la matière, car il semble quasi impossible de capitaliser sur des acquis. Régulièrement, le service des ventes rapporte que les concurrents disposent d’outils informatiques nouveaux. L’informatique ne joue pas son rôle stratégique compétitif.
Les faits
Les études et les sondages montrent que nombre de clients sont insatisfaits. Or, sans clients, pas de pérennité d’affaires pour l’organisation. Les demandes formulées à l’informatique prennent toujours un temps infini. Elles sont souvent stratégiques pour la direction en question, mais l’informatique est noyée sous des priorités dont elle ne maîtrise pas l’attribution. En fait, c’est la quantité incommensurable de discours, d’explications et de réunions nécessaires qui minent toute planification. C’est comme si personne ne parvenait à se comprendre réellement. Les directions se sentent souvent trop loin de l’informatique. Et celle-ci semble toujours réactive.
L’évolution
La position de la direction informatique, quelle que soit sa dénomination dans l’organigramme corporatif, a toujours un statut particulier. Cela est dû à une de ces caractéristiques fondamentales qui la démarque de toutes les autres directions fonctionnelles au sein de l’organisation. C’est le concept de clientèle.
Pour toute organisation privée, publique ou parapublique, le leitmotiv corporatif devrait être « le client est Roi » et chaque action, effort, geste et pensée de l’organisation doit concourir à atteindre l’objectif suprême d’une satisfaction du client, sans compromis. Tout le monde a appris dans uncours ou un autre qu’un client satisfait est un client fidèle, et qu’il est la meilleure des publicités.
On sait aussi qu’il coûte moins cher de conserver un client que d’aller en chercher un nouveau. Les clients doivent être considérés comme la principale richesse. C’est par cette richesse que passent la prospérité et le développement.
Revenons à la direction informatique. L’informatique est aujourd’hui un élément essentiel de toutes les composantes de l’organisation. Elle soutient les directions dans toutes leurs fonctions, aussi bien administratives que métier. L’informatique comprend les systèmes corporatifs d’entreprise, les systèmes de gestion, le ou les systèmes d’informations et les multitudes d’outils départementaux, locaux ou individuels, en passant par la bureautique.
Or, la clientèle directe de la direc-tion informatique est chacune des directionsfonctionnelles ou administratives. La direction informatiquedoit donc soutenir l’organisation et les directions fonctionnelles et administratives dans leur quête du Graal, qui est la satisfaction inconditionnelle de la clientèle ultime. Cependant, en tant que direction fonctionnelle de l’organisation, l’informatique se doit également, par essence même, de participer directement à cette quête du Graal.
Voilà une direction face à deux niveaux distincts de clientèle. Les directions fonctionnelles et administratives et la clientèle ultime de l’organisation. La direction informatique serait-elle une direction qui doit courir deux lièvres à la fois? Ce qui n’est pas un critère de succès. En plus, la direction informatique doit absolument aligner ses objectifs sur ceux de l’organisation. Elle doit également au nom d’ITIL v3 et d’ISO 20000 s’assurer de la qualité et de l’irréprochabilité des services offerts. Elle doit également au nom de la qualité totale et d’ISO 9000, de même que d’ITIL v2, s’assurer que les processus sont optimisés et que l’amélioration en est continue.
Pour ce faire, il va falloir restructurer et adapter la direction informatique. Mais attention, si l’on veut arriver au but fixé, ce travail ne doit pas se faire dans le sens conventionnel, mais dans le sens inverse. C’est-à-dire, non pas de l’informatique en direction des services qu’elle doit livrer, mais bien de la clientèle ultime de l’organisation en direction du noyau central de l’informatique.
Il s’agit d’une rétroanalyse, de rétroajustements fonctionnels ou d’une rétrorestructuration. C’est un peu comme la découverte d’un fleuve dans une région donnée. La géographie et le relief de la région sont imposés. Le delta ultime du fleuve, son débit et sa superficie sont imposés. Il faut alors remonter le fleuve en sens inverse, par tous ses bras, ses affluents et ses méandres, pour en découvrir la source. Il est possible de le cartographier dans son ensemble et dans le sens de son écoulement, qui va l’aligner avec le relief local et le fondre dans le paysage. Aussi, la direction informatique en quête d’alignement stratégique par une « fusion intime » avec son organisation doit procéder de la même façon.
Définir la clientèle
Cette partie initiale de la rétroanalyse, si elle semble évidente, est peut-être une des plus complexes. La direction informatique doit définir avec précision quelle est sa clientèle spécifique. Certes, ce sont les autres directions qui composent l’organisation. Cependant, il faut segmenter cette clientèle en fonction des caractéristiques intrinsèques de chacune des directions. Mais, la fonction de l’informatique est de soutenir les directions fonctionnelles dans la satisfaction de la clientèle ultime de l’organisation. Aussi, devra-t-elle également connaître et définir avec précision cette clientèle ultime, telle que segmentée par le département de marketing.
Il faudra définir les services nécessaires pour satisfaire cette clientèle, définir les processus pour produire et offrir les services, ainsi que pour gérer, soutenir, entretenir et améliorer les services, d’une part, et les processus, d’autre part.
Il sera nécessaire de répartir les responsabilités entre les directions fonctionnelles et administratives nécessaires. À ce stade, l’organisation doit également envisager le recours à l’externalisation de tout ou partie de certaines activités informatiques. Cela peut concerner le développement de certains systèmes, l’entretien des systèmes anciens, par exemple.
Restera ensuite à dessiner le nouvel organigramme; établir la liste des compétences nécessaires au sein de chaque direction; procéder à la dotation des postes requis pour disposer des compétences voulues.
Changement de paradigme
L’informatique passe alors du paradigme d’organisation monolithique et centralisée à celui d’une organisation souple et déployée, tant pour ses effectifs que pour ses infrastructures. Elle demeure l’entité l’informatique de l’organisation, la direction informatique, mais elle se trouve physiquement déployée pour accroître son efficacité par un effet de proximité. Un tel déploiement implique également un déploiement de la capacité de décision et parallèlement un déploiement en conséquence des ressources nécessaires.
Avec ce nouveau paradigme, l’informatique devient comme une mosaïque fonctionnelle. Son budget devient comme une mosaïque budgétaire. Et, son processus de décision devient une mosaïque décisionnelle. Pour ceux qui ont connu l’informatique décentralisée, il y a comme un goût de déjà vu, mais avec une orientation bien différente. Beaucoup moins informatique et beaucoup plus processus, service et client. Ce sont ces indices de souplesse et de ductilité qui rejoignent les métriques d’évaluation de la direction informatique.
La conclusion
Une telle action de restructuration de la direction informatique est assurément une cure de jouvence. En effet, la direction informatique aura pour objectifs la qualité des services fournis et de leur réalisation en plaçant la clientèle au centre de toutes ses préoccupations. De plus, la direction informatique aura acquis beaucoup en souplesse fonctionnelle, ce sera rapproché des autres directions de l’organisation au point de s’y fondre dans une symbiose d’efficacité.
Le danger d’une telle configuration demeure dans l’intime symbiose qui se développe entre la direction informatique et certaines directions fonctionnelles dans lesquelles du personnel de la direction informatique est délégué en permanence. En cas de conflit entre les deux directions, vers qui ces deniers prêtent-ils allégeance? Malgré la symbiose organisationnelle, il demeure entre les deux directions une relation de client à fournisseur. Il faudra donc que chaque direction fonctionnelle dispose d’un chargé de dossier qui assure le suivi de la satisfaction des services obtenus de la direction informatique, symbiose ou pas symbiose. Les bons comptes faisant les bons amis.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.