TIC et PME : comprendre pour réussir et prospérer

Selon deux observateurs de l’informatisation des organisations, la compréhension des apports des TIC constitue la clé de la « technotransformation » des PME québécoises.

Dans le cadre de la conférence NETQuébec présentée récemment à Montréal et à Québec, le Cefrio a été invité des « témoins » à commenter les enjeux qui sont associés à l’état de l’adoption de l’Internet et des TIC par les PME, en vertu de leurs observations de la réalité quotidienne des organisations québécoises.

On a donc demandé à ces experts de faire ces commentaires dans le contexte des résultats de l’enquête NetPME 2007, consacrée à l’utilisation de l’informatique et d’Internet par les PME québécoises.

Les données, dont nous avons fait état récemment, soulignent un haut taux de branchement, d’une diversification des usages et de l’intégration des technologies du Web 2.0 au sein des PME du Québec. Elles révèlent aussi des carences en commerce électronique dans les sites Web et d’un faible taux d’informatisation des processus ou d’intégration des processus informatisés. De plus, seulement 35 % des PME avaient une ressource interne attitrée au TI, et 71 % de celles qui n’en ont pas disent qu’elles n’ont pas besoin.

Voici donc le point de vue de deux de ces témoins experts.

Barrières

Bertrand Verbruggen, gestionnaire de projet en marketing et commerce électronique au ministère québécois du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), rencontre chaque année les dirigeants de quelque 400 PME. Il commente sans détour les carences technologiques qui sont attribuées aux petites et moyennes entreprises québécoises, à commencer par le commerce électronique où peu d’entreprises affirment y faire de l’argent.

« Se peut-il qu’au Québec le volume d’affaires disponible pour la PME ne soit pas présent par rapport aux États-Unis? Se peut-il que le commerce électronique intéresse une strate d’entreprises plus particulière? Il faut parler des barrières, comme la banque, qui est toujours présente avec un dépôt de sécurité, des statistiques qui disent qu’un certain pourcentage de gens achètent ou ont peur d’acheter sur Internet. Mais la plus grande barrière est la notion de capacité à présenter une forme de rentabilité. La PME d’une centaine d’employés a plus de capacité que celle qui en a une vingtaine. »

M. Verbruggen souligne que bien des PME n’ont pas atteint un niveau de gestion où elles saisissent la notion de développement d’une stratégie en affaires électroniques, et n’ont pas compris la puissance que cela pourrait rapporter.

« Lorsqu’on parle d’intégration, on doit s’interroger sur le nombre d’entreprises qui ont un progiciel de gestion intégrée, un logiciel manufacturier ou un logiciel de gestion de la relation client. Des efforts sont faits pour amener ces gens à intégrer ces technologies, mais on est encore loin d’intégrer l’ensemble des plates-formes. »

« N’oublions pas que c’est nouveau pour le Québec, la strate de gestionnaire de PME. Ça prend un petit plus de temps, mais je suis très content de voir où nous en sommes rendus », ajoute-t-il.

Compréhension

M. Verbruggen relate des travaux préparatoires pour un projet pilote du Cefrio qui vise à donner des conseils à distance à des entreprises branchées à la haute vitesse, par le biais de caméras Web, afin de réduire les frais de déplacement et augmenter l’efficacité. Il évoque la compréhension et une adoption des outils Web par des entreprises auxquelles les technologies ont été présentées.

« Pour bon nombre d’entrepreneurs, on parle de choses [en TI] qui font penser aux mathématiques modernes. On a peut-être un travail à faire au niveau du gouvernement et des autres acteurs contaminants pour démystifier ces outils », croit-il.

Alors que les notions de compétitivité et de productivité sont présentes et que les PME recherchent de solutions pour se sortir de crises, M. Verbruggen croit que cela créé une occasion favorable afin de travailler avec les dirigeants pour qu’ils utilisent les nouveaux outils et implantent la notion d’intégration. Il souligne notamment l’arrivée de nouveaux gestionnaires et de jeunes dans les entreprises, qui contaminent les entrepreneurs pour les amener à adapter de nouvelles pratiques.

« Le grand travail à faire ensemble est de les contaminer, pour leur montrer qu’il y a moyen de faire de l’argent et que le futur se trouve là », affirme-t-il.

Les TIC, le salut des manufacturiers

Robert Davis est vice-président, Affaires publiques, recherche et analyse, à l’association Manufacturiers Exportateurs du Québec. Alors que le secteur manufacturier compte 10 000 entreprises et 500 000 travailleurs et représente 86 % des exportations du Québec, il confirme la conjoncture difficile qui sévit dans bien des PME. La hausse du dollar canadien et des coûts d’énergie, l’intensification de la concurrence internationale, le ralentissement économique aux États-Unis et le resserrement du crédit commercial, explique-t-il, contribuent à la formation d’une « tempête parfaite. »

M. Davis confirme que les technologies de l’information et des communications ont un rôle capital à jouer au sein des entreprises de ce secteur industriel. D’ailleurs, il note que l’émergence de la concurrence vient en partie de la possibilité de fragmentation de la production manufacturière, en raison d’une intensification notable du recours aux TIC dans le monde manufacturier.

Il réfère à une enquête pancanadienne sur les enjeux de gestion des manufacturiers qui a été réalisée auprès de 1 000 entreprises dont 250 sont du Québec. 22 % des PME considèrent que les changements technologiques sont un enjeu important de leur entreprise et 33 % considèrent que la technologie est une variable déterminante de leur croissance.

De plus, 39 % considèrent que l’amélioration des systèmes de gestion informatisés est primordiale, 33 % croient en l’importance de l’investissement dans les nouvelles technologies, 24 % estiment qu’il est essentiel d’automatiser la production et 17 % jugent qu’il est important d’augmenter la capacité de production et de vente à l’extérieur du pays par le biais des TIC.

« Ces dernières variables ne seraient pas possibles sans un apport considérable des TIC. L’enjeu principal est que les manufacturiers qui sont en perte de vitesse au Québec doivent se transformer, et il s’agit de la seule constante à laquelle ils devront faire face dans les prochaines années », souligne M. Davis.

Classe mondiale, informatisation capitale

Le porte-parole estime qu’un des grands défis des PME manufacturières est de devenir des manufacturiers de classe mondiale. « Les sous-traitants des grands donneurs d’ordre et des multinationales vont devoir mieux intégrer leurs processus de production à ceux de [leurs clients]. Ils auront besoin de systèmes de gestion, et de systèmes de gestion d’approvisionnement, tout comme de mieux gérer en aval leur relation avec leurs clients », affirme-t-il.

M. Davis ajoute que des rapports confirment que l’intensité moindre du recours aux TIC expliquerait l’écart de productivité entre le Canada et les États-Unis, et que l’investissement dans les TIC par travailleur par les entreprises canadiennes de fabrication représenterait seulement 32 % de ce que les manufacturiers américains investissent.

Enfin, il cite un rapport de l’organisme NPI Group qui confirme l’importance de l’adoption d’approches d’amélioration continue, comme Six Sigma ou Toyota Production System, qui reposent sur une utilisation intensive des TIC. « Il s’agit de systèmes de gestion basés sur les humains, mais qui requièrent une meilleure relation entre les fournisseurs, les entreprises manufacturières et les clients. Les entreprises qui innovent au niveau de leur gestion ont des résultats financiers supérieurs et des gains de productivité », souligne M. Davis.

Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.


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Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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