Les organisations produisent journellement une pléthore de documents électroniques. Bien que la GED (gestion électronique des documents) existe depuis longtemps, aujourd’hui encore la plupart des organisations sont souvent aussi mal équipées que mal structurées pour exploiter le plein potentiel de cette production documentaire.
La problématique
Quels que soient leurs secteurs d’activités, les organisations rencontrent toutes, à un moment ou à un autre, des difficultés à gérer rationnellement la quantité astronomique de documents électroniques qu’elles produisent. La plupart des documents seront archivés avec soins et conservés. Cependant, ils se retrouveront rapidement noyés sous un flot de nouvelles productions, les rendant introuvables et inutilisables avec un effort raisonnable et dans un délai acceptable
Les faits
Quel que soit leur mode de gestion, la vie des organisations évolue au rythme de leur cargaison de documents stratégiques. Qu’il s’agisse de contrats, d’appels d’offre ou de dossiers techniques, tous sont importants. Tous les jours, les nombreux outils bureautiques produisent des documents qui sont des « originaux » électroniques. L’impression de tels documents est une reproduction, à un instant « T », de l’original électronique. Par conséquent, c’est lui qui possède toutes les propriétés de probité et qui doit être conservé.
Si l’archivage des documents sous forme papier ne posaient plus vraiment de problème, les originaux électroniques ont remis les compteurs à zéro. Deux pas importants sont à franchir pour l’industrie des technologies de l’information (TI), afin de passer du papier aux documents électroniques. Tout d’abord, l’apparence virtuelle et immatérielle des informations numériques, leur volatilité et leur sensibilité aux champs électromagnétiques, en font des objets dont la manipulation et la conservation sont aux antipodes de celles du papier.
Ensuite, les supports physiques spécifiques des documents électroniques ou optoélectroniques ne se classent pas dans une armoire avec des petits « onglets de couleur ». Tous les outils et les modes de classement envisagés pour les documents électroniques devront se baser sur les caractéristiques fondamentales de ces derniers.
L’évolution
Les documents nécessaires qui sont conservés et utilisés par les organisations présentent six grandes caractéristiques fondamentales, qui en permettent une exploitation optimale et sécuritaire.
La première caractéristique est la disponibilité électronique des documents. Pour pouvoir être utilisés, les documents électroniques doivent être disponibles, sous forme électronique. Pour cela, il leurs faut être archivés dans un système informatique les rendant disponibles.
La seconde caractéristique est l’accessibilité des documents. Pour ce faire, l’organisation doit disposer des outils informatiques, des procédures et de l’expertise lui permettant d’accéder aux documents. Des documents disponibles peuvent être inaccessibles s’ils sont noyés dans un ensemble volumineux et non structuré de documents.
La troisième caractéristique est l’intégrité des documents. Les documents qui sont conservés par l’organisation doivent demeurer intègres. C’est à dire non altérés dans le temps. Chaque accès à un document électronique doit pouvoir garantir que le document est conforme en tout point au document original déposé.
La quatrième caractéristique est la confidentialité des documents. Nombre de documents présents dans une organisation contiennent des informations à caractère nominatif. Généralement, ils sont légalement astreints à des critères de confidentialité. D’autres documents tout aussi essentiels, sont secrets et stratégiques pour l’organisation, mais ne disposent pas d’une protection légale spécifique.
La cinquième caractéristique est la complétude des documents. Tout document conservé au sein des systèmes d’une organisation doit être complet et total. C’est la condition sine qua none pour qu’il puisse remplir efficacement son rôle de support d’informations. La protection de la totalité du contenu des documents devra se faire de façon scrupuleuse et sans faille.
La sixième caractéristique est la fiabilité des documents. Cette caractéristique des documents est beaucoup plus suggestive que les précédentes. Bien que déjà présente pour les documents papier, elle prend de plus en plus d’importance avec l’utilisation du Web. Par le passé les documents provenaient de l’entreprise. Ils étaient conservés localement et partagés au sein de l’entreprise même. Ils pouvaient être dignes de confiance et utilisés sans risque majeur. Aujourd’hui, alors que la proportion de documents provenant du Web est sans cesse croissante, il faut systématiquement questionner la fiabilité des documents ainsi acquis.
Propriétés individuelles
Outre, leurs six caractéristiques fondamentales dont ils ne peuvent se dissocier, les documents sont également définis par six propriétés individuelles dont la valeur est spécifique à chacun. Tous les documents devraient les arborer de façon claire et précise.
La première de ses propriétés est la source du document. Il s’agit de la provenance du document. Il faudra être particulièrement prudent avec cette propriété pour deux raisons. Tout d’abord parce que l’organisation ou l’auteur du document en est le propriétaire et en possède les droits d’auteur. Il s’agit d’un élément important dans l’utilisation des documents, puisque l’autorisation de l’auteur peut être requise. Mais, il faut également évaluer la fiabilité et la crédibilité de cette source. Principalement lorsque l’on devra utiliser de façon transparente le contenu d’un document, dans un processus décisionnel, par exemple.
La seconde propriété attachée aux documents est leur âge. D’autant qu’en TI, quelques mois suffisent souvent pour séparer plusieurs générations. Cette propriété est un critère primordial dans la constitution d’une bibliographie.
La troisième propriété attachée à tout document est la durée de vie de son contenu. Il s’agit du temps pendant lequel le contenu demeure valide et significatif. Utiliser un document au delà de sa durée de vie fait encourir un risque de résultats ou de décisions erronés.
La quatrième propriété attachée à un document est sa durée de conservation. Certains documents sont astreints à des durées légales de conservation. Tout comme pour la confidentialité, ces cas sont régis par la loi et sont incontournables. Pour les autres documents, la durée de conservation est déterminée en fonction de la durée de vie du contenu et de sa valeur historique.
La cinquième propriété attachée aux documents concerne les droits d’accès et de modifications. Il s’agit de la liste exhaustive des utilisateurs, des fonctions et des applications connexes qui possèdent des droits d’interventions sur le document. Cette propriété est cruciale, bien que rarement considérée, car toute intervention sur un document peut en affecter l’intégrité et la complétude, et par conséquent la fiabilité. Ainsi, l’original d’un document électronique archivé ne devrait pas pouvoir être altérée. Seule une copie de cet original pourrait être modifiée et sauvegardée à nouveau afin de conserver une filiation documentaire à des fins historiques.
Enfin la sixième propriété attachée à certains documents seulement est leur aspect probant. Il s’agit d’une caractéristique qui, lorsqu’elle est nécessaire, permet d’opposer un document à un tiers, comme preuve non réfutable. Pour cela, le document doit être indemne dans son intégrité et sa complétude et pouvoir être conservé ainsi. Le type de stockage de tels documents a un impact direct et déterminant sur le fait qu’il puisse être réputé probant.
La conclusion
Tout responsable, au vu et au su de telles caractéristiques et propriétés devrait en premier lieu vérifier le statut et les normes accordés à la gestion des documents électroniques, au sein de son organisation. Assurément, un bilan et un inventaire de la situation actuelle s’impose.
Ensuite, un diagnostic réaliste doit être posé. Il est crucial de savoir ce qui se fait, mais surtout ce qui ne se fait pas, et pourquoi. Les résultats du diagnostic devraient permettre de faire une évaluation des risques potentiels auxquels est confrontée l’organisation et de les pondérer. À cette étape, l’organisation dispose du portrait de sa GDE et de sa vulnérabilité quant aux documents névralgiques. Il faut alors dresser le plan d’action, attribuer les responsabilités et allouer un budget. C’est à ce prix que l’organisation pourra envisager un retour sur son capital documentaire électronique. L’information électronique offre toutes les caractéristiques pour cela, encore faut-il s’en occuper.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.
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