Vos opérations informatiques sont hébergées. Votre fournisseur connaît des difficultés techniques à répétition. Vous cessez de payer. Il cesse d’héberger. La suite ?
Vous savez que dans notre merveilleux monde des TI, il y a des occasions où un contrat est déjà tout fait, tout monté, et où l’on n’a pas vraiment l’opportunité de négocier quoi que ce soit. C’est probablement le cas du contrat qui encadre votre service d’accès à l’Internet, la plupart de vos licences d’utilisation de logiciel et, à moins que votre contrat soit notable sur le plan commercial pour votre fournisseur, votre contrat d’hébergement de site Web.
J’ai déjà entendu des gens intelligents du secteur des TI dire : « Bof, je ne lis pas ces contrats-là, de toute façon on ne peut rien y changer ». Il est probablement vrai qu’on ne peut rien y changer et il est vrai que nous sommes tous très occupés, mais il importe à tout le moins de connaître les règles juridiques qui sont imposées. Cela permettra de savoir à quoi s’attendre et, si des dispositions sont vraiment inacceptables, de changer de fournisseur.
Mon attention a récemment été attirée par un contrat d’hébergement/impartition et le mécanisme juridique qui y était prévu quant à une fin de contrat.
La fin du contrat d’hébergement
Plusieurs fournisseurs d’hébergement offrent à leurs clients un contrat d’hébergement/impartition (le « contrat principal »), assorti d’un contrat de services informatiques et d’un contrat de niveau de service (CNS).
Dans le cas qui nous occupe, le CNS prévoit un niveau de service de 99.75 %. Le client se dit alors que son fournisseur doit être sérieux ! Il y a aussi des escomptes ou pénalités prévus si le fournisseur ne parvient pas à maintenir ce taux de rendement.
Cependant, si on lit bien la clause de « fin du contrat » dans le contrat principal, on se rend compte qu’il est écrit en toutes lettres que le défaut du fournisseur d’atteindre le niveau de service promis ne constitue pas une raison valable, au sens du contrat, pour le client de ne pas payer les services ou de mettre fin au contrat. Le client n’a pas lu cette clause avant de signer.
Dans le dossier en question, le fournisseur connut des problèmes techniques à répétition. Ce client ne représentait pas un pourcentage significatif de son chiffre d’affaires : avec les escomptes et les pénalités, ce client devenait en plus donc très peu payant. Armé de son contrat et de sa clause, le fournisseur perdit intérêt pour ce client qui lui compliquait la vie.
Insatisfait du service, le client cessa de payer; mais selon le contrat, rappelons-le, le défaut d’atteindre le niveau de service ne constituait pas une raison valable pour ne pas payer. Le client se retrouva donc en défaut de paiement.
Le fournisseur mit fin au contrat, en raison d’un défaut, donc, du client ! Cela eut des conséquences sur le montant à payer par le client en guise de dommages liés à la fin du contrat avant terme. En effet, une autre clause prévoyait qu’en cas de défaut du client, le montant entier couvrant le reste du contrat, soit 21 mensualités de quelques milliers de dollars, devenait payable par le client !
Le droit applicable
En droit québécois, il existe un régime qui sert à protéger les parties à un contrat qui n’ont pas pu négocier ce contrat et dont l’ensemble du contrat était à prendre ou à laisser. Il s’agit des articles du code touchant les contrats d’adhésion.
L’adhérant à un contrat d’adhésion, c’est-à-dire la personne qui a signé ou accepté le contrat sans pouvoir en négocier les clauses, peut s’adresser à un tribunal pour faire déclarer inapplicable une clause illisible, abusive ou incompréhensible. Il y a de bonnes chances ici que soit déclarée abusive la clause qui empêche le client de mettre fin au contrat et de retenir les paiements en cas de défaut du fournisseur quant aux niveaux de service; ce sera surtout vrai s’il y a un écart considérable entre le niveau de service visé et le niveau de service effectivement atteint.
L’adhérent, ou le client, doit-il à ce moment-là s’adresser à un tribunal ? Si les parties et leurs avocats sont raisonnables, il y a de fortes chances que le tout se règle hors cour; il n’y a rien comme savoir qu’une arme importante existe pour éviter un conflit.
Il n’est pas nécessaire que l’adhérent soit une des personnes que le Code civil, traditionnellement, protège, pour qu’il puisse bénéficier de la protection des articles sur le contrat d’adhésion. Il peut très bien être un homme ou une femme d’affaires, ou encore une entreprise, et bénéficier de la protection accordée contre les clauses abusives.
Ce dénouement ne constitue néanmoins pas une raison pour ne pas lire les contrats…
Michel A. Solis est avocat, arbitre et médiateur. Il oeuvre dans le secteur des TI depuis bientôt 20 ans.