Que se passe-t-il lorsque le réseau tombe en panne et que le seul à pouvoir le réanimer est en vacances et que nulle part il n’est écrit comment faire?
Quand on est une petite organisation aux effectifs limités, chaque employé a un rôle précis à jouer. Il y a rarement du personnel excédentaire dans une PME de dix employés; ainsi lorsqu’un employé est absent, c’est un peu comme si 100 employés manquaient dans une entreprise de 1 000 employés. On peut difficilement s’en passer. L’entreprise est donc plus vulnérable aux absences et aux départs, mais aussi aux employés qui font de la rétention d’information.
Dans un cas comme dans l’autre, les autres employés sont pénalisés par l’information à laquelle ils n’ont pas accès, par le savoir dont ils sont privés. Leur état de dépendance à l’égard de l’employé qui garde jalousement le savoir dont il est le seul à détenir peut s’avérer particulièrement désastreux lorsqu’il est absent, ou pire encore lorsqu’il quitte l’entreprise et apporte ses secrets, privant ainsi ses collègues des connaissances qu’il a accumulées au fil des ans.
Et plus ses années de service dans l’entreprise sont nombreuses, plus les dommages sont importants. Cette situation affecte plus particulièrement les métiers à forte composante technique, tels que les professions scientifiques et, évidemment, les professions du secteur des technologies de l’information et des communications (TIC).
Dans les PME, il n’y a souvent qu’un spécialiste des TIC, qu’on désigne amicalement sous le nom de « gars de l’informatique » (qui peut être aussi, bien que plus rarement, une fille…). Et en cette période de vacances, les deux ou trois semaines durant lesquelles il ou elle est absent(e), s’il survient un problème informatique sérieux, on est dans de beaux draps. À moins qu’il ou elle n’ait couché par écrit, noir sur blanc, dans un document quelconque, l’intégralité de ses connaissances informatiques, ce qui n’est malheureusement pas le lot de toutes les entreprises, en particulier des PME.
Alors comment fait-on pour régler le problème qui paralyse le réseau? Si l’argent n’est pas un problème, on confie le problème à un consultant, mais si ce l’est, comme c’est malheureusement le cas de plusieurs PME, on improvise à l’interne. Le stagiaire qui connaît un peu l’informatique se transforme alors en spécialiste réseau et bidouille tant bien que mal une solution temporaire, en attendant le retour du « gars de l’informatique », avec les résultats que cela peut donner… Parfois, le problème peut devenir plus important qu’il ne l’était au départ.
Paresse ou insécurité?
Mais qu’est-ce qui peut pousser un employé à ne pas partager ses connaissances, en les consignant par écrit dans un document consultable par tous? On peut aisément en attribuer la faute à la paresse et au manque de temps, le spécialiste ayant bien d’autres choses à faire que de s’adonner à la littérature. Cet argument est d’autant plus vrai qu’il est souvent le seul à pouvoir régler les problèmes informatiques qui ne manquent pas de survenir.
Mais il y a aussi, et c’est là que ça devient pernicieux, l’employé qui, par sentiment d’insécurité, veut défendre sa position dans l’entreprise et se rendre indispensable, pour qu’on ne soit pas tenté de le remplacer. Étant le seul à connaître les « secrets » de l’informatique dans l’entreprise, on ne pourra faire autrement que de satisfaire toutes ses exigences… À moins que l’on prenne le taureau par les cornes et qu’on l’oblige à documenter par écrit la somme de ses connaissances. Il ne fait pas de doute que c’est la voie à suivre, car on ne sait jamais ce qui peut arriver.
En espérant que la période des vacances ne vous ait pas fait vivre d’expériences informatiques tragiques, mais vous ait plutôt fait prendre conscience de l’importance de partager les connaissances à l’interne et que vous êtes fin prêt pour la rentrée. Il n’est jamais trop tard pour mettre par écrit le savoir de l’organisation.
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.