La SAT fait un bilan de la dernière phase d’un programme de recherche sur les nouveaux médias, où se rencontrent l’audiovisuel, l’immersion, l’interactivité et la réseautique. Alors que de premières applications publiques seront bientôt déployées, des secteurs industriels s’intéressent aux dispositifs pour établir des applications fondées sur les arts technologiques.
La Société des arts technologiques a présenté, dans ses locaux du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, les progrès réalisés lors de la troisième et dernière phase du programme de recherche Territoires ouverts (TOT). Ce programme a permis de développer du matériel, des logiciels et de dispositifs qui serviront à la création en ligne au moyen des réseaux IP à large bande, mais également à d’autres applications potentielles dans divers secteurs d’activité.
L’institut montréalais, consacré à l’alliance entre les arts et les TIC, a procédé à la démonstration de quelques composantes technologiques qui ont été développées dans les quatre axes de recherche du projet, soit l’immersion, la webdiffusion, la télévisite et la téléprésence. En immersion, un système d’environnement audio en 3D, exploité par un logiciel nommé AudioTWIST, utilise des caméras pour la détection des déplacements des personnes vers des sculptures virtuelles, qui sont affichées sur un écran géant, afin de déclencher des échantillons sonores et ainsi créer des séquences musicales.
Au niveau visuel, le panoscope est un écran hémisphérique en fibre de verre, disposé tel un bol, qui est surmonté d’un projecteur à lentille hémisphérique pour l’affichage d’images anamorphiques ambiantes. Une variante inversée, le panodôme, fait l’objet d’une installation commanditée par Virgin Galactic à Paris, en France. La [SAT]osphère, soit un dôme mobile gonflable dont un prototype a été récemment obtenu par la SAT, fera bientôt l’objet d’essais des technologies d’immersion visuelle et sonore développées dans le cadre du projet. Ce dôme, qui sera utilisé dès 2008 pour des démonstrations publiques, pourra être gonflé au besoin en un lieu fixe ou bien être transporté pour des événements itinérants.
En téléprésence, le logiciel TeleCHACHA est une interface graphique utilisateur simplifiée qui sert à transmettre l’image et le son en format DV, à l’aide du système de transport DVTS, via les réseaux IP, dans un contexte de vidéoconférence. Au moyen d’une toile faisant office d’écran, dont un trou situé au milieu permet à une caméra de capter l’image de l’utilisateur, ou bien d’un dispositif maison qui créé à l’aide d’une caméra Web, d’un moniteur et d’un miroir sans tain, les conférenciers peuvent se voir « les yeux dans les yeux ». Ce principe est d’ailleurs utilisé par une douzaine de cégeps du Québec dans le cadre du projet pédagogique « Cégep en réseau » de l’organisme CEFRIO.
Enfin, en webdiffusion, les développements ont mené à la création de nSLAM, soit une suite de logiciels à code source libre, qui sert au développement d’applications de transmission de multiples canaux de son via l’Internet, en entrée comme en sortie, et ce, avec un minimum de latence.
De l’imagination à revendre
René Barsalo, le directeur, Stratégie et partenariats à la Société des arts technologiques, indique que cette troisième phase de Territoires ouverts constitue la dernière étape du projet de développement qui aura duré quatre années, et que les technologies qui en ont émergé entrent maintenant dans des phases de maturation.
Il explique que les technologies d’immersion visuelle et sonore suscitent l’intérêt du secteur privé dans les domaines de l’optique, du jeu et de la simulation. Les technologies visuelles font déjà l’objet de commandes de la part de clients, tandis qu’un modèle de vente est à l’étude pour le dôme gonflable [SAT]osphère. Pour la webdiffusion par le biais des réseaux, un domaine qui a fortement évolué au cours des dernières années, la SAT misera sur des partenariats avec des communautés de développement d’applications, notamment pour la simplifier et développer des modèles d’utilisation.
M. Barsalo ajoute que le prochain volet de recherche, qui s’appellera Propulsar, pour lequel la SAT est en attente d’une confirmation de financement. L’objectif de ce projet sera de développer une suite de logiciels à code source libre, avec des aspects gratuits et d’autres payants, à l’intention des salles de spectacle et des techniciens de l’audiovisuel. Des groupes de discussion seront réalisés avec des techniciens et des artistes pour voir ce qu’ils aimeraient obtenir dans l’avenir qui n’existe pas pour l’instant, tout comme il en a été pour le projet Territoires ouverts.
« C’est le fun ce que l’on fait dans des laboratoires, mais le public n’est pas là, explique M. Barsalo. Nous voulons voir comment nous pourrons prendre ce qu’on a appris et l’adapter pour que les gens l’utilisent dès maintenant. Lorsque nous travaillons entre nous, soit les universités, les laboratoires et les centres d’artistes, les équipes de recherche sont à un certain niveau. Mais si nous voulons faire traverser [les technologies développées] dans la vraie vie, nous y rencontrons des techniciens de scène et de l’audiovisuel qui n’ont pas cette expérience. Si nous voulons enclencher une révolution, il nous faut travailler avec eux. »
M. Barsalo souligne que le domaine public des arts technologiques est sur le point de vivre une telle révolution, alors que les développements réalisés dans divers créneaux s’imbriquent les uns aux autres et entraîneront sous peu la création de multiples produits et applications qui changeront la donne, en mentionnant le phénomène de la console Wii de Nintendo qui bouleverse l’expérience de jeu.
« C’est un peu comme lorsqu’on fait un casse-tête de paysage en équipe. Certains font les coins, d’autres les bordures, d’autres les nuages…Bientôt, ces groupes de morceaux seront reliés ensemble, et nous assisterons à un ‘blast off‘ », prédit-il.
M. Barsalo sougline également l’intérêt porté par des secteurs industriels envers les développements des arts technologiques de la SAT, alors que les artistes ont longtemps fait l’objet de préjugés défavorables.
« La première industrie qui s’est informatisée, c’est l’industrie de la culture, ce qu’on oublie souvent, déclare M. Barsalo. On dit que les artistes n’ont pas d’argent, mais tout ce qu’ils ont c’est un PC qui contient tout ce dont ils ont besoin, comme un studio de photo, de son, de vidéo… Alors que le monde traditionnel des TI est venu par le traitement des données. On vit une transformation avec l’audiovisuel et la connectivité en réseau. Mais qui sont les experts, ceux qui ont le plus d’expérience? Ce ne sont pas ceux qui ont de l’expérience en base de données, mais les artistes, les créateurs. Cela fait dix ou quinze ans qu’ils y travaillent et qu’ils en rêvent… »
« Les créateurs ont cette vision continuelle de dire qu’est-ce qu’on fait avec [une technologie], où peut-on aller? Contrairement aux ingénieurs qui sont habitués à penser selon des règles établies, les artistes ferment les yeux, se projettent et imaginent. Les artistes sont aussi les spécialistes de l’émotion. Et soudainement, on se rend compte que le monde de la création est aussi important que celui de l’ingénierie ou des télécommunications… »