Gilles Brassard, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en informatique quantique, est la personnalité du mois de février 2007 en TI au Québec.
À sept ans, son frère lui enseignait des notions évoluées de mathématiques, et à treize ans, il entrait à l’université. Nul doute, Gilles Brassard est né pour accomplir des choses hors du commun.
Pionnier du traitement quantique de l’information, ce Montréalais a mis au point une forme de cryptographie jumelant la physique quantique et l’informatique et contenant une clé secrète indéchiffrable. D’aucuns estiment que cette découverte recèle un potentiel énorme, qu’elle pourrait avoir un impact majeur sur la façon d’envisager la transmission de données confidentielles.
S’il rêvait de devenir mathématicien dès l’enfance, c’est pourtant en informatique qu’il a fait ses études universitaires. Ses découvertes ont fait de lui un scientifique d’envergure mondiale. Selon un article écrit à son sujet en 2000, au moment où il a reçu le prix Marie-Victorin, on le considère comme « l’un des plus brillants informaticiens au monde ».
Au prix Marie-Victorin – la distinction scientifique la plus prestigieuse au Québec – s’ajoute maintenant le titre de finaliste de la Médaille d’or Gerhard-Herzberg en sciences et en génie, qui est peut-être la récompense la plus convoitée par les scientifiques canadiens. Cette nouvelle reconnaissance est venue en février dernier.
Cela devient une habitude chez lui qui, au fil des ans, n’a cessé d’accumuler prix et bourses, dont la personnalité de l’année en sciences et technologie décernée par La Presse et la bourse de recherche Killam du Conseil des arts du Canada. Il est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en informatique quantique.
Découverte d’une passion : la cryptographie
C’est à l’Université de Montréal qu’il fait, à compter de 1967, ses études de premier et de deuxième cycles – son mémoire de maîtrise portant sur les systèmes d’exploitation. Subséquemment, alors qu’il a entrepris son doctorat à l’Université Cornell, il tombe sur un article traitant de cryptographie et se fascine pour le domaine, séduit par la « beauté mathématique » de certains problèmes. Il décide alors de réorienter son doctorat vers ce champ d’études, qui n’intéresse alors que peu de chercheurs.
Devenu professeur à l’Université de Montréal, il participe à un congrès à Porto Rico, en 1979, où il présente les résultats de ses recherches, il y fait la connaissance fortuite de Charles Bennett, distingué physicien à l’emploi d’IBM. De cette rencontre naît une collaboration qui accouchera d’une nouvelle cryptographie fondée sur la mécanique quantique.
Plutôt qu’à une transmission électronique des données par câble, la méthode fait appel à de minuscules particules de lumière appelées photons polarisés. D’une grande sensibilité, ceux-ci sont immédiatement altérés en cas d’interception par une tierce partie, rendant le message inintelligible et avertissant expéditeur et destinataire de l’anomalie. L’efficacité de la cryptographie quantique, croit-on dans les milieux scientifiques, repose sur le fait que, pour la déchiffrer, on doive briser les lois de la physique, et non pas seulement résoudre un problème mathématique – principe sur lequel se basent les méthodes de chiffrement couramment utilisées.
Poursuivant dans cette veine, il invente le concept de téléportation quantique en 1998, conjointement avec un groupe de chercheurs. L’équipe parvient à téléporter des photons sur une distance de quelques mètres. Le journal de renom Science classe alors cette percée parmi les plus importantes découvertes de l’année.
Aujourd’hui, son intérêt pour l’informatique quantique demeure entier. Il caresse le rêve, confie-t-il, de « reformuler les bases de la mécanique quantique », tel qu’on les enseigne depuis 50 ans. Le défi relève davantage de la physique, domaine dans lequel il ne possède pas de diplôme, mais qu’il a appris sur le tas.
Chercheur passionné, il accorde par ailleurs une grande importance à son rôle d’enseignant. Aurait-il pu consacrer sa vie à autre chose que la recherche et l’enseignement? Non, répond-il sans détour. Sa voie semble avoir été tracée depuis les jours de son enfance où ses frères aînés l’ont initié aux mathématiques, sa toute première passion, qui a éveillé son intérêt pour l’informatique et les sciences.
Alors qu’il poursuit ses recherches et continue à faire ce qu’il aime, la portée de ses découvertes est appelée à s’étendre. La firme d’analyse IDC a prédit que la valeur du marché des produits de cryptographie quantique grimperait à 30 millions de dollars au cours des trois prochaines années, et à 300 millions de dollars d’ici dix ans.