Le CRTC a dévoilé des approches pour l’établissement de deux types de services d’alerte ciblés à l’intention des citoyens. Ce premier de deux articles traite d’un projet d’établissement de services d’alertes en cas d’urgence au moyen de la radiodiffusion.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada a récemment établi des approches pour des services novateurs où les technologies de l’information jouent un rôle important dans la transmission rapide d’informations urgentes à des groupes ciblés de la communauté. L’une de ces approches, décrite dans l’avis CRTC 2007-20, la création de services d’alertes en cas d’urgence au Canada. La réglementation actuelle empêche ou entrave l’établissement de tels services.
Ainsi, le Conseil estime qu’un tel service doit répondre aux urgences locales, régionales et nationales et doit utiliser de manière efficace et économique les installations de radiotélédiffusion et les entreprises de distribution filaires ou sans fil, par câble ou par satellite. Il doit également pouvoir transmettre les alertes aux téléspectateurs et aux auditeurs des services canadiens de radiodiffusion – y compris aux personnes ayant des déficiences visuelles ou auditives, quel que soit leur lieu de résidence, envoyer les alertes dans des régions géographiques précises et reconnaître la dualité linguistique canadienne.
Surtout, le CRTC estime que ce système « doit être bâti et exploité grâce aux efforts conjoints des responsables des organismes de gestion des urgences, des radiodiffuseurs et des entreprises de distribution de radiodiffusion, et il doit reconnaître leurs préoccupations et leurs rôles respectifs. »
Nombreux projets
Cette approche origine d’une demande de modification de licence qui a été formulée au début des années 2000 par le diffuseur Pelmorex, qui exploite les canaux de télévision spécialisés The Weather Network et Météomédia, afin d’offrir un réseau d’alerte multicanaux à toutes les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) du Canada.
Ce service aurait diffusé en temps réel des avertissements locaux de dangers imminents à la vie ou aux biens causés par des urgences, émis par des organismes gouvernementaux, à l’aide de messages alphanumériques défilant à l’écran du téléviseur, et ce, sur tous les canaux diffusés par les distributeurs. L’alerte aurait aussi été affichée sur les sites Web exploités par Pelmorex et aurait été transmise aux salles de rédaction des postes de radio et des stations de télévision locales participantes. Des équipements de décodage brevetés auraient été installés chez les distributeurs.
La Société Radio-Canada et Bell Canada, pour son service ExpressVu, ont également déposé des demandes similaires lors d’un processus d’appel de demandes. La SRC suggérait la diffusion de messages d’alerte d’urgence sur ses canaux (télé, radio, Web) en vertu d’un format normalisé, à partir d’un centre d’alerte situé à Ottawa. La SRC permettrait aux EDR par câble et par satellite d’y participer de plein gré, et diffuserait notamment des messages textuels en inuktitut pour les citoyens du Grand Nord.
La filiale ExpressVu de Bell, de son côté, voulait être autorisée à diffuser des alertes d’urgence sur les canaux qu’elle distribue dans son service de télévision par satellite. En bref, un message aurait été diffusé à l’écran de tous les canaux pour aviser les abonnés à syntoniser un canal dédié à l’affichage du message d’urgence. ExpressVu souhaitait offrir ce service à d’autres EDR, tout comme elle a dit qu’elle examinerait les moyens d’intégrer la distribution de messages d’alerte aux activités des autres services de Bell Canada, dont la téléphonie filaire, la téléphonie mobile et l’accès à l’Internet.
Objections et oppositions
Au cours des interventions réalisées dans le cadre de consultations, les exploitants d’EDR, les groupes de consommateurs, les organismes gouvernementaux et les organismes de gestion d’urgence ont été nombreux à commenter les projets soumis au CRTC ainsi que le principe de service d’alerte en cas d’urgence.
Bien que les participants reconnaissent unanimement la pertinence d’un tel service pour informer la communauté, l’avis 2007-20 du CRTC fait état d’une multitude de points de discorde. Des exploitants d’EDR et des radiodiffuseurs se sont prononcés contre la création d’un système obligatoire, parce qu’il y aurait l’imposition d’une technologie, que les exploitants du service bénéficieraient d’un statut prioritaire, qu’il y aurait une substitution à un service existant ou qu’il y aurait un danger de « saper » l’indépendance éditoriale et l’intégrité journalistique.
D’autres intervenants, surtout des fournisseurs de messages d’alertes, se sont dit en faveur d’un caractère d’obligation, en soulignant que le plus grand nombre possible de personnes serait ainsi informé, et ont mentionné l’importance de l’universalité d’un tel système. Des intervenants ont évoqué la non-pertinence d’investir dans des systèmes destinés aux réseaux analogiques, alors que des réseaux de la sorte seront éliminés dans quelques années.
En matière de financement, certains se sont prononcés contre les coûts engendrés par un système d’alerte, contre le caractère lucratif d’une telle initiative, ou bien contre les structures de coûts suggérées par Pelmorex. Certains ont dit qu’un tel système devait être financé par l’État, et d’autres croient que ce sont les abonnés des services de distribution par câble ou par satellite qui devaient défrayer les coûts d’exploitation d’un système d’alerte.
Enfin, des représentants des personnes malvoyantes et malentendantes ont manifesté leurs inquiétudes quant à un manque de considération pour les personnes qu’elles représentent dans certaines approches soumises au CRTC, ou bien à de possibles empiétements sur les affichages des messages sous-titrés à l’écran.
Ouverture et bonne volonté
À la suite de ces consultations, le CRTC a établi les modalités de l’approche décrites précédemment, qui sont fondées sur l’établissement d’une collaboration des intervenants pour favoriser la normalisation et l’emploi de protocoles, ainsi que sur une latitude des participants à employer les approches technologiques appropriées. L’organisme a souligné qu’un caractère obligatoire découragerait certains exploitants « de fournir et de raffiner des technologies de remplacement visant la fourniture d’alertes. »
En conséquence, le CRTC a proposé l’apport de modifications à l’article 7d) du règlement de la radiodiffusion pour supprimer les barrières réglementaires qui interdisent la mise en œuvre d’un service d’alerte en temps opportun, qui aurait trait aux dangers imminents ou actuels pour la vie, en excluant les dangers pour les biens.
Le CRTC a également approuvé les demandes de Pelmorex et de Radio-Canada pour leur permettre d’établir un service d’alerte sur leurs canaux et de les offrir à titre facultatif aux EDR, mais a refusé le caractère d’obligation demandé par Pelmorex. ExpressVu pourra également diffuser des messages d’alerte à ses abonnés lorsque le règlement aura été modifié.
Enfin, le CRTC a incité toutes les parties à participer à CANALERTE, un projet de système qui diffuserait le même message d’alerte d’urgence à la fois sur l’Internet, les téléphones sans fil et filaires, la radiodiffusion en direct et la distribution par satellite et par câble. Ce projet, piloté par Industrie Canada, établirait des modes de présentation, des protocoles de diffusion et des lignes directrices pour n’importe quel service d’alerte au public.
D’ici deux ans?
Scott Hutton, directeur général exécutif, radiodiffusion au CRTC, croit qu’un système national pourrait être mis sur pied d’ici deux ans, si ceux qui ont fait des promesses les réalisent, y croient et peuvent le faire d’une façon volontaire plutôt qu’obligatoire.
« Le chemin qui va résulter le plus rapidement possible à l’établissement d’un système d’alerte est de réaliser les révisions à la réglementation, ce qui devrait se faire assez rapidement, explique-t-il à propos de l’implication du CRTC. Il y a aussi divers comités auxquels nous espérons participer, et nous voulons motiver les radiodiffuseurs à participer pour mettre sur pied un système qui livrerait des messages d’alerte à tous les Canadiens. »
Toutefois, si deux ans, soit en 2009, l’approche volontaire s’avérait impossible, le CRTC envisagerait d’autres actions pour que le projet se concrétise. « On pourrait [alors] mettre sur pied un processus semblable à celui qu’on vient de faire, où l’on ferait un constat que la méthode volontaire ne fonctionne pas, ainsi qu’un appel de demande, et répéter le même exercice. J’imagine que ça irait beaucoup plus vite parce que les intervenants auront eu le temps de travailler diverses options et seront plus clairs dans leur démarche. Il y aurait alors un délai d’un an, un an et demi en plus des deux prochaines années, pour mettre un place un système obligatoire. »