POINT DE GESTION La gestion par processus a maintenant le vent dans les voiles et se répand largement auprès des organisations. Celles-ci multiplient les tentatives. Quels sont les principaux écueils à surveiller ?
La problématique
La dernière décennie a fait la promotion de l’accroissement de la productivité au sein des organisations. L’amélioration continue est devenue un leitmotiv. La ré-ingénierie des processus a fait rage, puis ce fut l’approche de la gestion par processus. Devant cette manne, les approches et les méthodologies ont subitement éclos. Face aux inévitables changements et à la diversité des offres, plusieurs tentatives se sont soldées par un échec ou un demi-succès.
Les faits
Le nombre d’organisations qui se laissent convertir à une approche globale et plus générique de la gestion de la qualité est sans cesse croissant. Plusieurs d’entre elles, après quelques essais avec des approches « maisons », se rangent au côté de celles qui ont opté pour une conformité à la norme ISO. En général, ces organisations ne sont pas hostiles a priori à l’approche de gestion par processus. C’est lors des tentatives d’implantation que les choses se gâtent généralement.
Évolution et solutions
Dans toute démarche d’implantation de la gestion par processus, il existe un élément fondamental commun sur lequel reposent toutes les approches. Cet élément de base est la cartographie des processus. Celle-ci doit en refléter, de façon précise, unique et non ambiguë, les tenants et les aboutissants. Ainsi, tous les intrants de l’organisation doivent impérativement alimenter un processus, de même tous les extrants de l’organisation doivent provenir d’un processus. Et, entre ces deux extrêmes, il ne doit pas y avoir de processus, d’intrants ou d’extrants orphelins.
Aussi, tous les processus doivent produire au moins un extrant. Aucun processus ne doit tourner en boucle sur lui même, en utilisant comme intrant ses propres extrants. De même, aucun intrant ne peut être libre et tous doivent aboutir à un processus. De même, tout extrant intermédiaire doit servir un autre processus.
C’est de la précision et de la conformité d’une telle cartographie dont dépendra l’efficacité de la gestion organisationnelle basée sur l’approche par processus. La cartographie initiale des processus est donc une étape aussi primordiale que critique. Si nombre des écueils à la réussite de l’approche de gestion par processus semblent anodins et leurs solutions relever du « gros bon sens », il n’en demeure pas moins que la plupart d’entre eux sont régulièrement présents lors des tentatives d’implantation. Rigueur, pratique et vigilance sont donc de mise.
Les faux départs potentiels
L’implantation d’une approche de gestion par processus se voit à l’occasion retardée et même parfois jetée à bas jusqu’à l’échec par un faux départ. Ces faux-départs sont généralement provoqués par un des pièges répandus, générant des confusions létales pour cette phase du projet.
Le premier piège à éviter, et sans doute le plus fréquent, est rattaché à l’organigramme de l’organisation. L’organigramme présente l’ensemble des unités organisationnelles et leur dotation. Ces mêmes unités produisent les biens livrables nécessaires à la réalisation de la mission. Aussi, le dérapage est-il facile et la confusion simple entre l’un et l’autre. Pourtant, il faut retenir que le déroulement d’un processus n’est pas influencé par une structure administrative. Un même processus, au sein d’une organisation, peut passer par plusieurs unités administratives. Il arrive encore parfois que la cartographie des processus opérationnels de réalisation ne soit qu’une variante de l’organigramme corporatif. Alors, le prodigieux outil de gestion que représente l’approche par processus perd toute son efficacité.
Ensuite, un autre piège est fréquemment induit par la notion de procédures, principalement de celles issues de l’ancienne version de la norme ISO 9001. La confusion qu’il se produit alors entre procédures et processus est une erreur fondamentale. Les procédures qui constituent la trame de la norme ISO 9001/94 n’ont jamais été une représentation des processus de l’organisation. Une procédure est une directive, alors qu’un processus est un concept renfermant un ensemble d’activités. Les processus réalisent des extrants et les procédures encadrent la réalisation des processus eux-mêmes. Elles sont des outils de gestion et de maîtrise des processus.
Un autre piège classique auquel sont confrontées les organisations lors de la phase de cartographie des processus opérationnels de réalisation est de confondre « produits » ou « services » avec « processus ». Il est vrai que si la phase de cartographie n’y prête pas garde, il est facile de confondre un « procédé » de fabrication ou de réalisation d’un service avec un processus. Un « procédé » est cependant une façon de faire, une méthode ou une pratique pour réaliser un produit ou un service. Un processus est un concept plus générique, qui peut lorsque nécessaire faire appel à plusieurs procédés pour s’acquitter d’une même fonction générique. Difficile à déceler de façon précoce, ce piège devient rapidement visible plus le nombre de produits et services analysés est important. Les processus apparaissant sur la cartographie se multiplient de façon impressionnante et tendent rapidement vers le ratio suspect d’un processus pour un produit.
Conclusion
Après un faux départ, il faut tenter d’oublier tout ce qui vient d’être modélisé et reprendre la cartographie à son point de départ. Lorsque la cartographie succombe à un de ses pièges potentiels, c’est souvent à cause d’une faiblesse de la méthodologie utilisée pour y procéder. Il faudra s’assurer de pratiquer une approche suffisamment conceptuelle pour ne pas tomber dans plusieurs des pièges potentiels, mais demeurer également suffisamment pragmatique pour éviter les faux départs.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.