L’être humain cherche à améliorer sa situation lorsque l’occasion se présente, et le secteur des TIC n’y échappe pas. Mais des cas récents confirment que des employeurs peuvent être contrariés par les choix de carrière des individus… surtout s’ils quittent pour la concurrence.
Récemment, quelques cas de transition d’employés-clés ont défrayé la manchette : en juillet dernier, Kai-Fu Lee, un éminent ingénieur chez Microsoft, a annoncé qu’il quittait l’entreprise pour occuper un poste chez Google; À la mi-octobre, Nortel Networks annonçait l’embauche au poste de directeur général de Mike Zafirovski, qui était auparavant président et directeur des opérations chez le fabricant d’équipements Motorola; Peu après, Bell Canada annonçait la nomination de George Cope aux fonctions de président et directeur de l’exploitation, lui qui occupait le poste de pdg chez Telus Mobilité.
Dans le dernier cas, Telus a démontré une reconnaissance envers son ancien dirigeant. Dans un communiqué annonçant son départ, l’entreprise le remerciait « pour sa direction et son dévouement envers l’équipe » et indiquait qu’il « est un intervenant exceptionnellement doué de l’industrie canadienne des télécommunications et (qu’il) manquera à l’excellente équipe de direction ». On ne peut que reconnaître le côté « bon joueur » de Telus face à la situation.
Mais il s’agit de l’exception plutôt que de la règle.
Objection !
Mais dans les autres cas, il en est autrement. Qui n’a pas eu vent de la réaction virulente du président de Microsoft Steve Ballmer lorsque M. Lee a annoncé sont départ ? M. Ballmer aurait lancé à bout de bras un morceau de mobilier et juré à haute voix qu’il mettrait fin à l’existence de l’entreprise concurrente.
Or, c’est lors d’une déposition formulée par M. Lee dans le cadre d’une poursuite pour bris de contrat, intentée en septembre par Microsoft, que la réaction de l’ancien employeur a été révélée. M. Lee aurait signé il y a près de cinq ans une entente de non-compétitivité où il s’engageait à ne pas travailler pour un concurrent durant une période déterminée. Un juge a rendu une décision intérimaire favorisant Microsoft, mais la décision finale se fait attendre.
Motorola, de son côté, a entamé une procédure envers M. Zaforivski en évoquant que l’occupation de ses nouvelles fonctions chez Nortel « résulterait inévitablement en l’utilisation ou le dévoilement de secrets commerciaux », et a ainsi réclamé une injonction de deux ans envers son ancien dirigeant.
Les relations sont loin d’être harmonieuses entre les parties impliquées…
Poursuite de carrière ? Poursuite judiciaire !
Avec la forte croissance de l’industrie des TIC, les entreprises désirent explorer de nouveaux créneaux ou gruger des parts de marché à la concurrence. Ces entreprises investissent alors des millions et des milliards en R&D, en marketing et en production, tout comme elles comptent sur le flair et la bienveillance de leurs grands penseurs.
Il appert que certaines organisations n’ont pas peur de perdre la clairvoyance des ressources qui s’en vont, mais surtout elles craignent qu’elles dévoileront toutes leurs stratégies à la concurrence. Craignent-elles que cette dernière laisse tomber ses projets en cours pour se réaligner entièrement sur les visées de l’employeur délaissé ? Cette concurrence n’a-t-elle pas en sa possession une meilleure stratégie qui a convaincu l’employé à joindre ses rangs ?
Pourtant, dans le sport professionnel, les changements d’allégeance sont nombreux, mais rares sont les hécatombes qui en découlent. Même si un joueur dévoile à sa nouvelle équipe que le gardien de son ancienne équipe a des faiblesses là, là et là, est-ce que cela garantit à sa nouvelle organisation l’atteinte des cibles à tout coup ? Avec la quantité de vice-présidents et de directeurs qui composent les organigrammes des entreprises, est-ce que les présidents connaissent la totalité des informations stratégiques d’une organisation ? Et fait-on quelque chose pour retenir le futur ex-employé ?
Certaines entreprises veulent prévenir le coup et font signer des clauses de non-compétitivité pour une certaine période de temps. Ces clauses ont-elles leur raison d’être, dans un monde où l’emploi garanti à vie est en voie d’extinction ? Un employé devrait-il, à son tour, exiger une indemnité de départ en cas de congédiement précoce ? Si l’une partie applique une modalité préventive, pourquoi ne serait-ce pas « et vice-versa » ?
Les conséquences qui découlent d’une situation où un employeur se sent floué et demande réparation sont rarement heureuses. Les organisations poursuivantes et les individus poursuivis auront d’importantes répercussions en temps, en argent, en productivité et en réputation au cours et au terme des procédures légales.
Rarement entend-on les véritables raisons qui ont incité au départ d’une personne de l’entreprise A vers l’entreprise B. Meilleurs salaires et conditions ? Opportunités accrues de croissance ? Difficultés à l’horizon chez l’employeur actuel ? Peu importe, le bien-être des organisations l’emporte sur celui des individus, et certaines entreprises feront tout pour nuire à l’employé et à son nouvel employeur.
Peu importe qui remportera la bataille devant les tribunaux, les grands gagnants de ces débats acrimonieux sont souvent les mêmes. Ce sont les avocats, évidemment…