La mise en place du système de paie Phénix devait permettre au palier administratif fédéral d’économiser 70 millions de dollars par an. Cependant, selon un rapport du Sénat, elle va finalement revenir à 2,2 milliards de dollars d’ici 2023 alors que son coût initial avait été évalué à 309 millions de dollars.
Dans un communiqué publié la semaine dernière, le Comité des finances nationales du Sénat s’est dit « consterné » par le manque de surveillance indépendante mise en œuvre pour suivre le projet et par le fait que personne n’assume la responsabilité de l’échec.
Environ la moitié des près de 300 000 fonctionnaires fédéraux ont été touchés par les problèmes du système Phénix.
Selon ce comité, « la débâcle du système Phénix est en partie attribuable à un problème fondamental de gestion au sein de la fonction publique, où persiste une culture qui consiste à éviter de communiquer des mauvaises nouvelles, à fuir devant les risques et à s’abstenir de prendre la responsabilité des erreurs commises ». Dans son rapport, le comité pointe aussi du doigt la décision de ne pas mener de projet pilote et le déploiement d’un système de paye qui n’était pas prêt comme explications de ce fiasco.
IBM blanchit
Le rapport précise que le gouvernement fédéral avait porté son choix sur le logiciel commercial de paye PeopleSoft, propriété d’Oracle, avant de confier en 2011 à IBM (seule entreprise soumissionnaire à l’appel d’offres public) le mandat « d’aider à personnaliser, à intégrer et à déployer le nouveau logiciel pour remplacer l’ancien système de paye du gouvernement ».
Le rôle joué par IBM a aussi été étudié par le comité. Son rapport soutient que l’entreprise avait prévenu les responsables du projet que Phénix n’était pas prêt, quelques mois avant son lancement. À la même époque, le cabinet de conseil Gartner, qui se spécialise en technologies de l’information, avait pointé, dans un rapport, le fait que le système n’avait pas été testé dans son ensemble et avait recommandé un déploiement progressif de Phénix.
Le rapport du Comité des finances reprend aussi l’avis de Jim Alexander, partenaire chez Goss Gilroy, une firme d’experts-conseils embauchée l’an dernier par l’administration fédérale pour tirer des leçons du projet Phénix. Jim Alexander estime qu’IBM a « suivi exactement les indications du gouvernement et a répondu à de multiples demandes de modifications pendant la durée du contrat ».
La solution ne serait pas logicielle
Le Comité des finances nationales du Sénat a formulé plusieurs recommandations dans son rapport. Il préconise notamment d’impliquer davantage le Parlement dans la mise en œuvre de ce type de projets.
Il plaide aussi pour un changement de la culture organisationnelle. « Le gouvernement doit passer d’une culture où l’on minimise les mauvaises nouvelles et esquive les responsabilités, pour adopter une culture favorable à la mobilisation des employés, à la rétroaction et à la collaboration », juge-t-il.
Le rapport conclut que l’amélioration du système de paie ne dépend pas du logiciel. « Des représentants d’IBM ont fait savoir très clairement que, à leur avis, ils ont livré un logiciel qui fonctionnait. D’après eux, le remplacement du logiciel ne réglera pas les problèmes de paye du gouvernement, spécifie-t-il. […] À notre avis, les employés doivent être au cœur de toute solution pour réparer l’échec de Phénix. »
L’Alliance de la Fonction publique du Canada pour la région du Québec réclame de son côté que le gouvernement mette sur pied une enquête publique « pour déterminer les causes du fiasco Phénix et pour éviter qu’un tel cauchemar ne recommence ».
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