Plusieurs entreprises implantent un outil de gestion de la relation client, comme le logiciel service de Salesforce.com, dans l’espoir de propulser leurs ventes vers de nouveaux sommets. Force est de constater, après quelques mois d’utilisation, que les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous et que l’utilisation de la nouvelle technologie est un désastre coûteux. Or, c’est rarement la technologie qui est en cause.
Les entreprises évaluent souvent l’implantation de solutions pour la gestion des ventes et de la relation client uniquement en fonction de critères technologiques. Appelées CRM (Customer Relationship Management en anglais), SFA (Sales Force Automation en anglais), ou GRC (Gestion de la relation client), quelques-unes des solutions les plus connues sont Salesforce.com, Dynamics CRM de Microsoft, sugarCRM et bien d’autres. Chaque solution offre une impressionnante liste de fonctions et de multiples bénéfices. Certaines sont disponibles en mode logiciel service dans le nuage et peuvent ainsi être déployées en quelques heures.
Plusieurs firmes d’analyse, dont Gartner et Forrester, proposent des comparaisons et des revues et analyses approfondies. Parmi elles, j’ai recensé ces quelques ressources :
- Quadrant Gartner comparatif des solutions SFA, offert par salesforce.com ou par sugarCRM
- Quadrant Gartner comparatif des solutions CRM, offert par PEGA
- Forrester Wave sur les intégrateurs de solution Salesforce.com en 2013
Malgré ces recherches et analyses, un grand nombre d’installations CRM ou SFA ne livrent pas les résultats attendus, et ce malgré les dizaines de milliers de dollars (ou les millions de dollars, dans les grandes entreprises) qui ont été investis dans l’acquisition de licences, la configuration et la personnalisation de ces solutions.
Lorsqu’on regarde les principales causes d’échec des initiatives de gestion de la relation client, on constate que la technologie est rarement le problème qui explique des taux d’échec qui oscillent entre 50 % et 70 % selon les sources. Parmi les erreurs d’affaires, citons :
- l’absence de leadership et d’engagement des lignes d’affaires, alors que les projets CRM sont souvent vus comme des projets TI et non des projets d’affaires;
- une stratégie CRM peu claire, en raison de l’absence d’une vision de l’expérience client, à chaque point de contact, et d’un partage de cette vision à travers les unités impliquées;
- l’automatisation de processus inefficaces plutôt que la réingénierie de ceux-ci;
- l’utilisation de métriques de succès qui sont peu claires ou laissées rapidement de côté après la planification du projet.
Une fois le CRM en place, certains proposent, comme dans cet article récent de Forbes, de prendre des actions drastiques pour réagir et remettre le projet sur pied. Pour prévenir l’échec, je propose à mes clients une approche plus holistique, qui tient compte du fameux triangle « people, process, technology » [NDLR : « personnes, processus, technologie »] :
- adapter le processus de ventes;
- intégrer les systèmes;
- supporter les équipes de ventes et transformer sa culture.
Adapter son processus de ventes pour l’adapter à la nouvelle réalité
Le premier aspect à considérer, est l’adaptation du processus de vente. Les outils CRM et SFA s’appuient sur des processus rigoureux de gestion des ventes et de la clientèle afin de fournir des rapports et des analyses et procurer une visibilité inégalée sur les ventes – ce qui représente souvent l’objectif principal de l’implantation de ces nouveaux outils. Si ces processus ne sont pas implantés, le support des outils ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau.
Pierre Sergerie, le vice-président responsable des ventes à l’Agence internationale du transport aérien (IATA) qui a implanté le SFA de Salesforce.com pour une équipe de 50 représentants qui sont distribués partout dans le monde, insiste pour dire que le succès de son implantation dépend de la mise en place de procédures standardisées de gestion des ventes (Standard Operation Procedures ou SOP en anglais), soit des façons de faire qui sont bien adaptées aux nouveaux outils.
Ces SOP fournissent l’environnement requis pour s’assurer que l’information qui est mise dans le CRM ou le SFA soit exacte, complète et à jour, ce qui permet ainsi de tirer profit des rapports, des analyses et de la visibilité globale que fournit l’outil. Elles permettent de comprendre les forces et les faiblesses de l’équipe, la durée du cycle de ventes (sales cycle), le taux de réussite (book-to-bill ratio), etc.
Intégrer les systèmes
Peu importe le CRM/SFA choisi, il est peu probable qu’il soit le seul outil que l’équipe de vente doive utiliser. Il est donc important de l’intégrer avec les autres logiciels et solutions de l’entreprise pour :
- être efficace dans la capture des informations;
- éviter les saisies multiples d’informations;
- éviter de dédoubler les informations et ne conserver qu’une seule version de la vérité (single version of the truth).
Il faut donc dès le départ penser à intégrer le CRM/SFA aux systèmes tels que :
- le courrier électronique, pour que les informations des contacts, des rencontres clients et des emails échangés soient intégrés, et ainsi éviter que deux représentants ne rencontrent, sans le savoir, le même client – ou pire, le même contact – à quelques jours d’intervalle;
- le système de service à la clientèle, pour fournir une vue des enjeux du client et éviter les rencontres où le client se plaint d’avoir placé des dizaines d’appels qui sont restés sans réponse au cours des dernières semaines;
- le progiciel de gestion intégré (ERP) d’entreprise, pour connaître exactement le nombre de pièce en stock ou les délais de livraisons;
- le système financier de l’entreprise, pour vérifier les factures impayées et le rappeler gentiment au client, ce qui permet parfois de revenir d’un rendez-vous de vente avec un chèque en main!
- etc.
Certains proposent même d’étendre l’intégration au-delà des systèmes de l’entreprise pour fournir une vision encore plus étendue sur le client.
Transformer la culture des ventes
Il faut aussi penser à accompagner l’équipe de vente, car bien qu’elle puisse être très confortable avec les nouvelles technologies, elle n’est peut-être pas prête à vivre avec la transparence que fournit le CRM/SFA.
En effet, ces outils transforment le groupe des ventes en véritable maison de verre : il est difficile de faire l’autruche quand nos supérieurs ont accès en temps réel à toutes les rencontres planifiées, à la durée réelle du cycle de vente, à la valeur exacte des opportunités dans l’entonnoir de ventes (sales funnel), etc.
Il est donc primordial de planifier la formation des équipes sur le nouvel outil, mais aussi sur le nouveau processus de ventes. Il est essentiel prévoir un suivi des vendeurs de façon individuelle, durant plusieurs mois après la fin de l’implantation du système, afin de comprendre les enjeux qu’ils rencontrent. Il est recommandé de prévoir aussi un ajustement des processus et de l’intégration des systèmes après le déploiement initial, pour s’assurer que chacun voit le nouvel outil comme un allié à conclure des ventes, et non un boulet administratif qui sert à surveiller et à réprimander.
Il faut soutenir les vendeurs en utilisant la nouvelle visibilité qui est obtenue afin de débloquer les cycles de vente trop longs, identifier les clients non rentables, et cerner les opportunités mal qualifiées. Quelques entreprises commencent à proposer un accompagnement des équipes de vente durant cette transition. C’est le cas par exemple de Talentuum, qui propose un Indice de maturité de la culture vente (IMCV). Cet indice mesure plusieurs critères pour offrir une vision à 360 degrés de la situation et apporter les changements et la formation requise des équipes de vente. Un exemple de rapport IMCV permet de comprendre ce qui est mesuré.
Préparer un plan de transformation numérique
Comme on le constate, il est rentable de prendre un peu de recul pour considérer le portrait global de la situation avant de se lancer dans l’implantation d’un CRM/SFA. Considérer les changements à apporter aux processus, à l’intégration des systèmes et aux humains qui devront mettre en oeuvre le nouvel outil est de mise. Préparer un plan d’action qui coordonne les aspects « people, process, technology » est essentiel.
Ce plan peut même devenir le moyen d’assurer la rentabilité des investissements technologiques et de faire du projet CRM/SFA un succès.