La grande question de la gouvernance

Avant de se lancer tête première dans la mise en place d’une saine gouvernance des TI, il importe d’abord de s’entendre sur ce qui constitue la gouvernance et quels en sont les axes d’applications. Définition.

La gouvernance des TI devrait permettre de répondre sans ambiguïté à toutes les questions que peuvent se poser les divers dirigeants de l’organisation, à leurs divers niveaux, quant à l’informatique sur tous ses plans.

La gouvernance devrait également permettre à ces mêmes dirigeants de répondre aux questions qu’ils pourraient se faire poser par les « ayants droit » (propriétaires, actionnaires, etc.) de l’organisation ou par les autorités légales de contrôle, devant lesquelles ils pourraient être imputables.

Nul besoin d’être prophète pour constater que le terme « gouvernance des TI » est des plus à la mode par les temps qui courent. Cependant, rares sont les personnes, y compris les spécialistes qui parviennent à inclure le même contenu derrière cette appellation. Qui pourrait être qualifiée de « non encore contrôlée », c’est pourtant cet état de grâce qui permettra à la gouvernance des TI, comme au vin, de séparer la « piquette » des grands crus.

Jeux de définitions

S’il y a presque autant de définitions de la gouvernance que d’adeptes, deux textes sont particulièrement intéressants. Tout d’abord une note extraite du grand dictionnaire terminologique de l’OQLF, en rubrique de la définition de la gouvernance :

La substitution de « gouvernance » à des concepts tels que « gouvernement » ou « gestion » est révélatrice d’une évolution significative dans l’exercice du pouvoir. La gouvernance se distingue du concept traditionnel de « gouvernement », qui reste associé dans la langue française à une forme organisée, rationnelle et cohérente du pouvoir. La gouvernance, par ailleurs, renvoie à un processus de coordination qui permet à l’exercice des pouvoirs politiques, économiques et administratifs de s’effectuer à tous les niveaux de la structure du système […] par différents acteurs disposant à des degrés divers de pouvoirs de décision […]

Le terme « gouvernance » est devenu très courant durant la dernière décennie. Il désignait à l’origine la capacité de gérer efficacement toutes formes d’organisations et d’activités, et depuis, ce concept a donné lieu à un foisonnement de définitions, ce qui laisse supposer que toutes les activités humaines pourraient être objets de gouvernance. Sous des formes sans cesse renouvelées, la gouvernance est souvent présentée comme une panacée pour traiter tous les problèmes dont le règlement ne relève pas nécessairement des seuls pouvoirs publics.

Le terme « gouverne », qui avait en moyen français le sens d’« action de diriger, d’administrer », a été proposé au Québec dans les années 90 comme équivalent français de governance, mais c’est le terme gouvernance qui s’est généralisé et implanté dans l’usage, au Québec comme en Europe (Office québécois de la langue française, Grand dictionnaire terminologique, 2003).

Ensuite, une définition issue du milieu même de la gouvernance des TI. Selon l’Institut de la gouvernance des TI (ITGI), la définition de la gouvernance des TI pourrait se décliner comme suit.

« La gouvernance des TI est un processus de gestion, fondé sur l’utilisation de bonnes pratiques, qui permet à l’organisation d’optimiser ses investissements informatiques dans le but de contribuer aux objectifs de création de valeur; d’accroître la performance des processus informatiques et de leur orientation clients; garantir que les risques liés au système d’information sont sous contrôle; de maîtriser les aspects financiers du système d’information; et développer les solutions et les compétences en TI, dont l’organisation aura besoin dans le futur, tout en développant la transparence d’action. »

La dichotomie fondamentale

Le tableau actuel semble faire ressortir deux grandes factions belligérantes, mais pas nécessairement totalement opposées. D’une part, il y a les tenants des aspects légaux et de conformité. Pour eux, la gouvernance des TI représente essentiellement un moyen de mise en conformité des organisations aux diverses dispositions et obligations légales en matière de contrôle interne, et de vérification, notamment en ce qui concerne les impératifs de la loi « Sarbanes-Oxley » aux États-Unis et de la loi C-198 au Canada.

D’autre part, il y a les partisans de la performance globale des TI. Pour eux, la gouvernance des TI est un regroupement des « meilleures pratiques » permettant d’aligner les objectifs et les résultats de l’informatique et des systèmes d’informations avec les objectifs stratégiques d’affaires et de création de valeur de l’organisation.

Pour coordonner ces deux aspects distincts, mais pas nécessairement divergents, l’Institut de la Gouvernance des TI (IT Governance Institute) offre une définition intéressante de la gouvernance. Cette définition intègre avec subtilité les deux aspects conformité et performance comme faisant partie intégrante du concept de gouvernance. Ainsi, « la gouvernance des TI contribue à garantir la mise en conformité de l’organisation aux exigences légales et à optimiser la performance fonctionnelle des TI, le tout au profit de la gouvernance supérieure globale de l’organisation ».

Le contenu de la gouvernance

Le contenu de la gouvernance des TI se décline tout d’abord par ses objectifs. Ceux-ci se regroupent en sept grands secteurs ou domaines d’application, tels que définis par l’Institut de gouvernance des TI. Ces grands secteurs sont les suivants :

1 la création de valeur pour l’organisation;

2 la satisfaction des attentes des clients internes des TI;

3 la mesure et l’amélioration des performances intrinsèques des processus fonctionnels des TI;

4 la gestion et la maîtrise économique des TI;

5 la gestion des compétences actuelles des TI et l’anticipation de la relève pour les besoins futurs;

6 l’évaluation et la maîtrise des risques inhérents; et

7 la transparence d’action.

À ces grands domaines, le contenu de la gouvernance des TI présente également onze « vecteurs » stratégiques de développement. Ces vecteurs sont en fait autant d’axes pour lesquels la mise en œuvre de bonnes pratiques permettra d’accroître ou d’améliorer le niveau global de gouvernance des TI de l’organisation. Cela, en procédant localement, point par point, afin de permettre un alignement aussi fin que possible sur les objectifs stratégiques corporatifs de l’organisation.

Ces axes de développement peuvent s’énoncer comme suit :

1 la planification spécifique des TI et son intégration dans le processus global de planification de l’organisation;

2 l’urbanisation et l’architecture des TI en place afin de les aligner sur les objectifs stratégiques de l’organisation;

3 la gestion du portefeuille de projets et son orientation vers la création de valeur pour l’organisation;

4 l’alignement fonctionnel des TI par rapport aux processus des secteurs d’activité de l’organisation;

5 la gestion budgétaire et contrôle des coûts des TI dans un objectif de transparence d’action;

6 la maîtrise et le contrôle de la réalisation des projets des TI par rapport aux objectifs d’affaires de l’organisation;

7 la fourniture de services informatiques adéquats et performants par rapport aux attentes des clients internes des TI;

8 la gestion des compétences au sein des TI actuelles, mais avec une vision anticipative sur les besoins futurs nécessaires à l’organisation;

9 l’évaluation et la maîtrise des risques inhérents, liés aux TI et adaptés aux objectifs d’affaires de l’organisation;

10 la mesure et la gestion de la performance fonctionnelle des TI; et,

11 la gestion et l’anticipation de la communication relative au TI.

Tous ces vecteurs sont donc autant de bonnes pratiques en place et d’obstacles à gravir comme autant de marches sur le grand escalier qui mène à une saine gouvernance des TI d’abord et de l’organisation ensuite.

Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.

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