Vital Roy HEC Montréal
Pour des raisons diverses, les organisations doivent choisir entre le développement des services SI à l’interne et l’approvisionnement externe en tenant compte de leurs objectifs stratégiques, de leurs contraintes en ressources et des impératifs du marché.
Dans ce contexte, l’impartition consiste à confier en sous-traitance ou à vendre à un fournisseur externe les composantes matérielles et logicielles reliées à la fonction SI/TI de l’organisation pendant une période déterminée et pour un montant convenu d’honoraires. Bien que l’impartition soit une pratique de longue date dans le domaine des TI (service bureaux et services d’infogérance des années 1960), ce n’est qu’au début des années 1990, avec la signature de contrats d’approvisionnement spectaculaires comme celui d’Eastman Kodak avec ISSC en 1989, que la pratique de l’impartition à grande échelle s’est matérialisée.
Les plus récentes recherches sur le phénomène révèlent cependant que les entreprises sont peu satisfaites de leurs ententes d’impartition. Plus de 50 % de toutes les impartitions sont considérées comme en échec. Selon les observateurs du milieu, ce taux élevé serait principalement attribuable à la difficulté de gérer la relation avec le partenaire, notamment en raison d’une approche de gouvernance inadéquate, d’un manque de flexibilité, de communications déficientes et d’opportunisme.
Les premières expériences d’impartition ont été organisées sur une base contractuelle. Se concentrant principalement sur les aspects de gouvernance et de contrôle du fournisseur externe, l’attention a porté sur la mise en place de mécanismes tels l’évaluation du niveau de service, la spécificité des capitaux, la gestion du risque de dépendance et de l’effet de blocage, la résolution de conflit et les conditions de sortie. Dans ces types d’arrangements, l’opportunisme est une menace prépondérante qui doit être contrebalancée par des clauses explicites au contrat et la mise en place des protections telles des arrangements d’otage et d’interdépendance.
Vers une alliance stratégique
Au cours des dernières années, cependant, les gestionnaires d’entreprise en sont venus à la conclusion que de tels arrangements, aussi complets et détaillés soient-ils, ne couvrent pas de façon satisfaisante les multiples interactions qui ont lieu entre le client et son fournisseur. Une difficulté importante vient de l’impossibilité d’établir des projections à long terme dû à l’évolution rapide de la technologie et aux exigences changeantes imposées par un environnement d’affaires dynamique. Dans le contexte d’affaires actuel, les fournisseurs ne peuvent plus se contenter de répondre strictement aux demandes de leurs clients : ils doivent également assumer une participation active dans les processus soutenus. Il leur faut alors délaisser l’approche de transaction sans lien de dépendance et favoriser un rapport « plus engagé », une alliance stratégique, basée sur la confiance et la compréhension mutuelle, la compatibilité d’objectifs et une mise en commun de qualifications et de compétences complémentaires.
Dans une approche transactionnelle, le contrat sert principalement à établir les détails de la mise en œuvre de l’entente et à définir les modalités de coopération (distribution des droits et devoirs entre les associés) requises pour organiser de tels rapports. Les modalités et les mécanismes de coordination ainsi définis déterminent la structure de gouvernance. Par sa nature, la gouvernance contractuelle concerne principalement la phase initiale de la relation. Dans une approche relationnelle, la gouvernance concerne la façon dont les entreprises indépendantes alignent au quotidien leurs processus partagés par le biais d’un échange d’information bilatéral. Les participants reconnaissent le fait qu’ils ne peuvent définir à l’avance l’ensemble des modalités et des conditions pour la durée de leur coopération éventuelle.
Dans un esprit de flexibilité, ils choisissent plutôt de définir un procédé général pour que des renégociations périodiques ajustent le prix, la quantité, le niveau de service et les autres considérations au cours de la vie de l’alliance. La gouvernance relationnelle s’attarde donc aux aspects dynamiques de la collaboration et aux activités d’échange qui interviennent dans la relation. De tels échanges sont perçus comme étant présents dans toutes les activités sociales, y compris les activités de groupe et les relations interentreprises. Un individu qui fournit un service ou un bien valable à un autre individu l’oblige. Afin de décharger pour cette faveur, ce dernier devra lui rendre la réciproque dans le futur, à défaut de quoi il pourrait être considéré par le groupe social comme étant inéquitable ou abusif.
Une confiance réciproque
Les transactions d’échange sont réglées et encadrées par des normes relationnelles, y compris la norme de réciprocité. Dans ce type de relation, il n’y a aucune garantie explicite que la faveur soit retournée. Les transactions doivent être fondées sur la confiance que l’autre partie agira d’une manière équitable. Ces normes sont des modèles de comportements et d’attitudes reconnus et partagés par les membres du système d’échange. Elles ont la force d’un engagement formel. Elles motivent l’exécution en concentrant l’attention des associés sur les valeurs partagées pour sauvegarder la relation et pour réduire la menace d’opportunisme. La flexibilité présuppose une volonté exprimée par les deux associés de faire des adaptations lorsque les circonstances l’exigent. L’accord initial, tel que décrit par le contrat, est considéré comme un simple point de départ qui sera modifié au rythme de l’évolution des environnements internes et externes. Le partage de l’information reflète un engagement bilatéral que les parties fourniront volontairement des informations utiles à leurs contreparties. Une valeur élevée est placée sur la réussite de la relation et des comportements spécifiques sont établis en vue de la consolider.
Une alliance stratégique exige donc une coopération interactive entre deux entreprises indépendantes. Ces interactions surviennent et sont gérées à la frontière de chacune d’elles, par le biais d’échanges formels et informels (interfaces). Les interfaces formelles comprennent les mécanismes de contrôle et de communication à travers lesquels les partenaires structurent leurs interactions.
Ces mécanismes prennent la forme de comités de direction et d’orientation, de comités de projet et d’équipes de travail mixtes, par exemple. Ils incluent aussi les ententes concernant l’équité, le partage des risques et les ententes de développements conjoints. Les interfaces informelles, pour leur part, servent de ciment à l’entente. Elles permettent le renforcement de l’engagement et de la confiance sur une base individuelle. Elles fournissent les contacts et l’accès à de l’information personnalisée et favorisent l’établissement de réseaux informels qui permettent aux gestionnaires d’accomplir leurs tâches à différents niveaux de l’organisation.
Vital Roy est professeur agrégé au Service de l’enseignement des technologies de l’information et directeur du Centre de cas à HEC Montréal.
En dépit des atouts financiers mis de l’avant, l’impartition internationale n’offre pas que des avantages. Il y a un coût aussi à cette forme d’impartition qui ne convient pas à toutes les entreprises.
Alain Beaulieu et Jean-François Ferland
Tirer profit de l’impartition
Impartition, infogérance, externalisation, peu importe le vocabulaire qu’on utilise pour en parler, il faut bien avouer qu’en informatique, cette pratique a longtemps concerné les grandes organisations. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Steeve Laprise
L’impartition et la gouvernance
Depuis quelques années, l’impartition des technologies de l’information (TI) est une solution de plus en plus populaire. Parallèlement, il ne peut plus y avoir de TI dignes de ce nom sans gouvernance. La relation entre l’impartition et la gouvernance est-elle le domaine houleux de l’incompatibilité ou bien le territoire apprivoisé de la convergence ?
Gérard Blanc
L’impartition n’est pas un déni de responsabilité
L’organisation qui impartit une ou plusieurs fonctions TI doit néanmoins assumer certaines responsabilités à l’endroit du fournisseur et des services qu’il fournit. Quatre organisations québécoises témoignent.
Alain Beaulieu
Cet article d’un avocat de la firme Fasken Martineau fait état des divers éléments à considérer lors de la négociation d’un contrat d’impartition.
La publication économique Les Échos propose dans cet article une réflexion sur la question brûlante qui se pose en gestion de l’information : faire ou faire faire?
La Banque de développement du Canada (BDC) offre sur cette page quelques conseils de base sur ce qu’il faut considérer afin de prendre une décision d’impartition.
L’impartition à l’étranger (offshoring) devrait apporter plus à l’organisation que des économies de coûts. C’est le sujet de cet article tiré du bulletin trimestriel de la firme McKinsey.
Selon cet article du magazine CIO, la prochaine vague d’externalisation à l’étranger concernera la recherche et le développement vers l’Inde et la Chine. Qui a dit que les fonctions à haute valeur ajoutée ne quitteraient jamais l’occident?
Comment faire pour s’assurer que les impartiteurs soient capables d’innover? Voilà la question que se pose le magazine américain CIO dans cet article.
Quelque 96 % des sociétés américaines envisagent de reprendre en interne tout ou une partie des services externalisés, une fois leur contrat arrivé à échéance tel est le constat d’une étude menée par Compass Management Consulting, rapporte le magazione CIO, édition France, dans un article publié plus tôt cette année.