Numérisation des archives, plateformes mobiles, médias sociaux… l’Office national du film rend ses œuvres accessibles grâce aux TIC.
Le producteur et distributeur d’œuvres audiovisuelles est présent sur Facebook, YouTube et Twitter, possède ses applications iPhone, iPad, et vient de lancer celles pour les plateformes Android et PlayBook. L’ONF est aussi au cœur de la numérisation de son catalogue regroupant quelque 13 000 productions depuis sa fondation en 1939.
« Nous avons des choses merveilleuses à l’ONF, mais lorsque j’ai été nommé commissaire, en juin 2007, nous étions invisibles car nos œuvres n’étaient pas accessibles. Il devenait alors incontournable pour moi de trouver une solution à ce problème », affirme Tom Perlmutter.
Ce dernier est entré à l’ONF en 2001 à titre de responsable de la programmation de langue anglaise. D’origine hongroise et s’exprimant dans un français impeccable, il a étudié au Collège Magdalen d’Oxford et à l’Université McGill, avant de décrocher une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Toronto.
Il affirme avoir été confronté au problème d’accessibilité dès son arrivée chez le producteur et distributeur public. Dès sa nomination à titre de commissaire, il décide d’amorcer un virage numérique qui commencera avec la refonte complète du site Internet de l’ONF et sa transformation en salle de visionnement virtuelle.
« Au début, quand j’ai reçu des propositions de refonte du site Internet, j’étais très insatisfait. Les projets suggéraient la création d’un simple site Internet. Il n’y avait aucune vision spécifique liée à la mission de l’ONF. Il n’y avait là aucune valeur ajoutée qui nous aurait permis de rendre notre collection accessible », dit-il.
Pour cette raison, l’Office décide finalement de repenser son site Internet en interne et lance sa salle de visionnement en janvier 2009. « Cela nous a permis de créer un endroit pour fidéliser notre auditoire. Devant l’écran d’ordinateur, la salle de visionnement, ce n’est pas comme la télévision. On peut voyager à travers le temps, visionner deux films d’un réalisateur qui ont été produits à plusieurs années d’intervalles. Cela donne une perspective ».
Applications et réseaux sociaux
En octobre de la même année, l’ONF lance son application iPhone. « Lors des deux premières semaines suivant le lancement, l’application a été la plus téléchargée au Canada dans la catégorie Divertissement. Les cinq suivantes étaient liées à l’industrie du sexe », dit-il, un brin de fierté dans la voix. À ce jour, plus d’un million de productions ont été visionnées sur iPhone uniquement. L’application qui permet de visionner gratuitement 1 500 œuvres a été classée au palmarès des 10 meilleures applications de 2009 par iTunes Canada, malgré son lancement tardif dans l’année.
Par la suite, l’ONF a lancé en juin 2010 une première version de son application pour iPad, qui a été mise à jour au moment du lancement de l’iPad 2. « Il est devenu ensuite évident que nous ne pouvions pas nous limiter à l’iPhone et l’iPad, car Android est de plus en plus populaire au niveau des ventes en Europe et en Amérique. Pour demeurer en contact avec notre auditoire, il nous fallait donc une application pour cette plateforme également », explique Tom Perlmutter.
L’application a été lancée le 14 mars. Puis, le 18 avril, l’application pour la PlayBook de Research in Motion a suivi.
À travers tous ces lancements d’applications, l’ONF a également pris le virage des médias sociaux en lançant sa salle de visionnement sur Facebook. Il est donc possible d’avoir accès aux mêmes œuvres que sur les différentes plateformes mobiles sans quitter le site de réseautage numéro un au monde et de partager ses découvertes avec ses amis.
M. Perlmutter souligne le succès du virage numérique, qui a permis de générer un total de 10 millions de visionnements sur toutes les plateformes depuis l’arrivée du nouveau site Internet en janvier 2009.
Prochaine étape: la 3D
L’ONF n’a pas l’intention de s’arrêter là et a déjà amorcé un virage interactif qui permet de créer des œuvres en utilisant des aspects technologiques spécifiques aux plateformes numériques, comme la 3D. « Un film classique commence au point A et se termine au point B. Avec les œuvres interactives, c’est l’individu qui décide de l’ordre dans lequel il a envie de visionner les différentes parties d’une œuvre. C’est une nouvelle forme de divertissement », affirme Tom Perlmutter.
Ce dernier cite notamment le documentaire interactif Sacrée Montagne, qui brosse un portrait de la relation qu’ont les Montréalais avec « leur » montagne, le Mont-Royal. Le documentaire est d’ailleurs en nomination au prochain gala des Octas, qui aura lieu le 28 mai, dans la catégorie Les TI dans les secteurs culturel, éducatif ou médiatique – Plus de 100 employés.
Le 15e commissaire de l’ONF ajoute que l’Office est à l’avant-garde en matière de 3D, en tournant en ce moment un court-métrage entièrement à la noirceur grâce à des caméras à infrarouges. Selon lui, cela ouvre une toute nouvelle porte de création.
Le e-cinéma
L’ONF met aussi à l’essai une nouvelle technologie qui permet de projeter certaines de ses œuvres devant des communautés où il n’y a pas de cinéma ou aucune possibilité d’avoir accès à cette expérience, grâce à des liens Internet haute vitesse. Il peut s’agir d’oeuvres qui ne seront jamais projetées commercialement comme les longs métrages documentaires ou d’animation, ce qui ouvre des possibilités pour le e-cinéma.
La numérisation: un travail de moine
L’Office national du film (ONF) a amorcé il y a deux ans la numérisation de la totalité de son catalogue, ce qui constitue un travail de moine quand on sait que la fondation du producteur et distributeur d’œuvres audiovisuelles remonte à 1939.
Car pour avoir du succès, la stratégie numérique de l’ONF doit s’appuyer sur une richesse bien particulière : ses œuvres. « La numérisation complète de notre catalogue durera entre cinq et sept ans et coûtera de 12 à 14 millions de dollars en incluant les investissements en équipements et l’achat des droits de diffusion en ligne », révèle le commissaire de l’ONF, Tom Perlmutter.
Ce dernier précise qu’il faut compter quatre jours de travail pour numériser une heure de film lorsque la pellicule est en bon état. « Toutefois, si nous avons besoin de faire un certain travail de restauration, le même travail peut durer plusieurs semaines », dit-il.
Méthodologie
Le commissaire soutient que l’ONF a décidé de numériser ses archives avec l’objectif de s’assurer que les utilisateurs puissent bénéficier de la meilleure qualité possible peu importe la plateforme de visionnement.
La numérisation se fait donc en plusieurs étapes. « La première étape consiste à évaluer l’état de la copie maîtresse de chaque œuvre. Par la suite, on prend tous les éléments et on les numérise séparément ; cela inclut l’image, le son, les génériques, les titres et les sous-titres pour toutes les versions. Nous devons également nous assurer de la création des métadonnées de tous ces éléments et ensuite chercher les meilleurs moyens de rendre les œuvres accessibles », explique-t-il.
Lorsque le travail est terminé, l’ONF assemble tous les morceaux et créer une copie maîtresse numérique de chaque œuvre pour la conservation. À ce jour, environ 2 000 œuvres ont été numérisées sur les 13 000 que compte le catalogue de l’Office.
M. Perlmutter souligne l’importance de la conservation des copies maîtresses, car s’il est possible de redécouvrir des œuvres produites dans les années 40 grâce aux plateformes numériques, il tient absolument à ce que celles qui sont réalisées en ce moment soient encore disponibles dans 50 ans, ou même davantage.