Afin qu’une entreprise crée une stratégie durable pour les médias sociaux, il faudrait revoir la réorganisation des départements des relations publiques, du service à la clientèle et du marketing, voire créer une toute nouvelle équipe dédiée à la cause.
C’est du moins l’avis de Sébastien Provencher, cofondateur de Praized Media, une entreprise qui se spécialise dans le développement de plateformes de réseautage social locales.
« Si vous intégrez les réseaux sociaux dans votre stratégie de marketing, vous n’avez rien compris », lance-t-il, lors de sa conférence à la Boule de Cristal du CRIM au Palais des Congrès.
M. Provencher estime que le marketing, encore unidirectionnel dans la plupart des entreprises québécoises, vient embrumer le but premier des médias sociaux, c’est-à-dire de créer un canal de conversation.
Martin Lessard, spécialiste en stratégie Web et médias sociaux et coauteur de Pourquoi bloguer dans un contexte d’affaires, abonde dans le même sens, en ajoutant toutefois que les entreprises québécoises sont confrontées à un dilemme qui rend l’implantation d’une stratégie de médias sociaux complexe et parfois délicate.
« Nous sommes une économie de PME, ce qui fait en sorte que les entreprises n’ont souvent pas les ressources pour embaucher une personne qui s’occupera uniquement des médias sociaux, et encore moins de mettre tout un département en place. Embaucher une personne ou une firme externe peut être une option, mais laisser l’image de votre marque entre les mains d’une personne qui ne travaille même pas dans votre entreprise est risqué et effrayant. Pour l’instant, on n’a pas trouvé la solution magique », dit-il.
Les entreprises québécoises traînent de la patte
Est-il devenu banal de parler d’ouverture de comptes Facebook, LinkedIn, Twitter ou YouTube, quand tout le monde semble avoir un compte ? « Peut-être pour les habitués, mais c’est loin d’être le cas. Je me fais encore remercier pour mes conseils, c’est ce que les gens retiennent le plus et ce qui est le plus utile pour les entreprises », explique Sébastien Provencher.
Le problème n’est pas que les Québécois et Québécoises ne sont pas présents sur les sites de réseaux sociaux, car plus de deux millions d’entre eux sont membres d’un site de réseautage, selon les plus récentes données de l’étude NETendances 2009, dévoilée en avril et produite par le Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO).
Le problème est plutôt que les entreprises québécoises n’ont pas suivi la parade. « Elles ont longtemps pensé que les réseaux sociaux n’étaient qu’une mode. Donc, elles se retrouvent maintenant avec un important retard sur les sociétés américaines et un besoin de réorganiser leurs stratégies pour s’adapter et se rattraper », soutient M. Provencher.
Selon des données du Small Business Success Index (SBSI), trois PME américaines sur quatre ont une page sur un réseau social. Cette proportion oscille entre 5 % et 10 % au Québec, estime M. Provencher. « On a toujours un retard de deux ou trois ans ici. »
Une occasion ratée pour les sociétés québécoises ? Peut-être, puisque 61 % des PME américaines, toujours selon le SBSI, estiment avoir conquis de nouveaux clients par le biais d’un réseau social.
Le SBSI est produit en collaboration par la société américaine Network Solutions et la Robert H. Smith School of Business de l’Université du Maryland.
Les Américains sont des gens plus mobiles que nous, renchérit toutefois Martin Lessard afin d’expliquer cet écart. « Pour que les réseaux sociaux prennent de l’importance, il faut une masse critique et des citoyens mobiles, ce qui est moins le cas au Québec. Aux États-Unis, il est commun de déménager d’un État à un autre, mais au Québec, les gens déménagent le plus souvent entre les principaux centres urbains. »
Lancez votre blogue corporatif
Même si M. Provencher croit qu’il est essentiel pour une entreprise d’ouvrir sa page Facebook, LinkedIn et Twitter, afin d’au moins protéger son image de marque, il affirme sans hésiter que le coeur de la stratégie des médias sociaux devrait être le blogue corporatif. Pourtant, seulement 5 % des PME québécoises ont un blogue, selon Najoua Kooli, directrice de projet au CEFRIO.
« Le blogue corporatif est vraiment le point central, c’est l’endroit où une entreprise annonce ses nouvelles et où les gens peuvent se rendre pour se renseigner sur leurs activités. C’est aussi l’outil idéal pour dialoguer avec ses clients, avoir un contact direct avec eux, ajoute Martin Lessard. Tous les spécialistes des médias sociaux au Québec s’entendent pour dire que c’est un incontournable. »
Tendance à venir dans les médias sociaux
La géolocalisation continuera de gagner en importance, estime Sébastien Provencher. Les réseaux sociaux comme Foursquare, un site où l’internaute est invité à écrire où il se trouve en temps réel, gagneront en popularité.
Ce dernier croit aussi que le pouvoir du consommateur sera plus fort dans les années à venir grâce aux réseaux sociaux. Ces derniers permettent à leurs membres d’exprimer leur opinion, ce qui peut influencer d’autres consommateurs ou clients potentiels.
Les règles de base d’une stratégie « médias sociaux », selon Sébastien Provencher
1- Faites toujours preuve de transparence, restez authentique et n’utilisez jamais d’alias.
2- N’ayez pas peur du négatif. « Il y en aura toujours, c’est un incontournable des médias sociaux. »
3- Participez dans les bonnes et les mauvaises périodes. « Il faut toujours intervenir, même quand ça va mal. »
4- Identifiez vos plus grands admirateurs. « Donnez-leur les primeurs, invitez-les à participer aux discussions. Ils deviendront les évangélistes de votre marque. »
5- Soyez patients. « Les réseaux sociaux sont un projet de longue haleine. C’est un marathon plutôt qu’un sprint. »
6- Apprenez de vos erreurs, et corrigez-les !
7- Soyez prêts à répondre à vos clients en temps réel une fois que votre stratégie est bien en place.
8- Mesurez l’impact de votre participation.
Les principales étapes d’implantation d’une stratégie de médias sociaux
1- Identifiez votre écosystème. « Déterminez qui sont les leaders d’opinion, les gens d’influence dans votre domaine. »
2- Écoutez, surveillez et analysez. « Voyez ce qu’on dit à propos de votre entreprise, de la concurrence et de l’industrie. »
3- Attendez le feu vert de la haute direction. « Les médias sociaux sont une stratégie à long terme et la haute direction doit y donner son consentement. »
4- Rejoignez la conversation au sujet de votre industrie, participez au dialogue.
5- Commencez à bloguer, « gazouiller » et partager.
6- Participez : montrez votre expertise et contribuez à la communauté.
Audrey Myrand-Langlois