Ubuntu compte de plus en plus d’utilisateurs et devient de plus en plus convivial. Avec les deux versions qui apparaîtront en 2010, l’entreprise fabricante pourrait signer un « Perfect 10 », pour paraphraser le PDG Shuttleworth, et devenir une force avec laquelle on doit désormais compter. Rêve-t-on en couleur ?
La première fois que j’ai essayé Ubuntu, c’était une saveur Linux comme une autre, sauf qu’elle s’affichait dans une palette de couleurs bien différente, une palette plus propice à décrire la terre sud-africaine, son « trek » et son « bush » , qu’à soutenir un système d’exploitation (SE) voulant être pris au sérieux. Quand le produit démarrait et affichait son Bureau (« Desktop »), il accueillait l’utilisateur par un sonal instrumental africain. Il n’en fallait pas plus pour qu’on s’informe sur le sens du mot « Ubuntu ». On apprenait que c’était un terme bantou très important qui pouvait se traduire par « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». Autrement dit, nous sommes ubuntu si nous savons que « ce que nous sommes » est intimement lié à « ce que sont les autres ».
Que diantre ! Qu’est-ce que tout cela a à voir avec un SE ? C’est que tout est là. L’ex-astronaute sud-africain Mark Shuttleworth (nom prédestiné qui signifie « digne d’une navette »), fondateur milliardaire de Canonical, la société derrière Ubuntu, a repris cette sagesse ancestrale fondée sur la communion des individus avec le grand tout social, sur les interactions entre les uns et les autres et sur le perfectionnement ou l’enrichissement personnel qui en découle. D’où les efforts croissants pour qu’Ubuntu favorise les échanges sociaux (réseautage social), le partage sans frais des produits (code libre et ouvert) et l’adhésion d’individus qui, autrement, ne pourraient se payer le luxe d’avoir un PC. Un bel exemple de l’ubuntu est donné par Nelson Mandela qui explique qu’avant, les voyageurs n’avaient qu’à s’arrêter devant un village sans rien demander, pour que les gens viennent les nourrir et désaltérer.
« Nous sommes sociaux depuis le début, écrivait Shuttleworth le 2 avril dernier sur son blogue, mais nous pourrions être encore plus étroitement connectés et nous pourrions ajouter des caractéristiques sociales dans encore plus d’applications. (…) Et comme les ordis deviennent de plus en plus légers, ils deviennent de plus en plus mobiles; alors, nous allons travailler pour garder les gens connectés, à longueur de journée, partout. »
Connu comme franc-tireur et protagoniste puissant du logiciel libre et gratuit, Shuttleworth a juré qu’un jour, Windows ne serait plus le seul système d’exploitation préinstallé dans les PC flambant neufs de la planète. Et il fait tout pour y arriver ! Si quelques manufacturiers sont embarqués dans l’aventure, la plupart traînent de la patte. Reste que de version en version, la convivialité d’Ubuntu s’améliore. Tellement qu’il est devenu possible de faire un peu de tout de « ce que font normalement les gens », sans devoir taper une commande « sudo ». Certains gendres commenceraient même à équiper belle-maman de PC Ubuntu, chuchote-t-on dans certains confessionnaux ! Ouin ! Mettons que certains prosélytes sont plus enthousiastes que d’autres.
Une autre particularité de Canonical est de donner d’amusants noms de code aux versions du SE, ce qui est excellent pour son image de boîte qui fabrique des produits cools. On sait qu’Apple choisit ses mascottes parmi les grands félins (cheetah, puma, jaguar, panthère, tigre et léopard – incidemment, elle détient une marque de commerce sur lynx…). On sait aussi que Microsoft donne des noms de code parfois sans signification à ses produits (pensons au Longhorn Bar du Whistler-Blackcomb Resort dans les Rocheuses; « Longhorn » servit à Win Vista, « Whistler » à Win XP et « Blackcomb » à Win 7).
Mais Canonical elle, elle fait dans le bestiaire africain (à l’exception du jackalope, un animal mythique nord-américain) et ne se gêne pas pour choisir de petits animaux sans défense, p. ex. suricate (une des bibittes de Telus), faon ou canard. Sauf qu’elle leur associe des qualificatifs édifiants, du moins depuis la version 5.04. Jugez-en vous-mêmes en parcourant le tableau qui suit :
4.10 : Warty Warthog – phacochère verruqueux – 2004 5.04 : Hoary Hedgehog – hérisson vénérable – 2005 5.10 : Breezy Badger – blaireau jovial – 2005 6.06: Dapper Drake – canard pimpant – 2006 6.10: Edgy Eft – salamandre nerveuse – 2006 7.04: Feisty Fawn – faon téméraire – 2007 7.10: Gutsy Gibbon – gibbon fougueux – 2007 8.04: Hardy Heron – héron courageux – 2008 8.10: Intrepid Ibex – bouquetin intrépide – 2008 9.04: Jaunty Jackalope – jackalope enjoué – 2009 9.10: Karmic Koala – koala karmique – 2009 10.04: Lucid Lynx – lynx lucide – 2010 10.10: Maverick Meerkat – suricate rebelle – 2010
La première fois que j’ai essayé Ubuntu, vous ai-je dit plus haut, l’interface était une brunissure brunâtre de bruns variés; il s’agissait du Blaireau jovial. « Sudo oh-oh-oh », riait le rongeur. Or, la dernière fois que j’ai installé ce SE, c’était la beta 1 du Lynx lucide. Ô miracle, le brun était presque parti partout. Comme le Mac OS X, l’interface faisait désormais dans le fuchsia mauve rosé, répondant au patronyme de « Light ». Le système Gnome de menus était encore mieux présenté, enrichi et plus incitatif à vouloir tâter de la bête. La vitesse d’installation était remarquable et celle d’exécution hautement satisfaisante… pour une beta 1 (la finale aura lieu le 29 avril prochain; ce sera la 12e version à avoir vu le jour).
En fait, ce n’était plus une mouture de Linux comme les autres. C’était quelque chose de différent, une sorte de base qui, soutient Mark Shuttleworth, devrait lui permettre un « Perfect 10 » avec la version d’octobre prochain, celle du suricate rebelle. C’est quoi un « Perfect 10 » ? C’est la perfection en patin artistique, la perfection dans les courbes de modèles féminins photographiées dans certains magazines ! De dire le PDG de Canonical : « Les suricates sont des animaux rapides, légers et sociaux, des qualités auxquelles nous nous attendons dans un Perfect 10 ! » Avec comme assises la version 10.04 dont le soutien s’échelonnera sur deux ans, la 10.10 pourrait effectivement contrarier la bonne vieille affirmation voulant que Linux, toutes saveurs confondues, ne dépasse jamais 1,5 % du marché mondial des systèmes d’exploitation. Mais il est vrai que Windows 7 représente un attrait puissant. On verra !
En attendant, si vous ne l’avez pas encore fait, allez vous télécharger la dernière beta d’Ubuntu. À vitesse Internet normale, il vous faudra moins de quinze minutes et, pour l’installer, un autre bon dix minutes. Ensuite, vous pourrez en faire le tour et, si jamais vous trouvez que j’ai exagéré dans mon texte, vous me le direz en utilisant le système de commentaires, ci-bas, où vous pourrez me traiter de vieux geek qui ne sait plus quoi faire pour triper en informatique…
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.