WCIT 2012 : Les espoirs et les travers des médias sociaux

Au congrès WCIT 2012 un panel d’acteurs et d’observateurs des TIC a discuté des opportunités de communication et d’échange des médias sociaux. Or, il y a un envers à toute médaille…Logo du congrès WCIT 2012

Dans le cadre de la conférence World Congress on Information Technology (WCIT 2012) qui a lieu à Montréal du 22 au 24 octobre, un panel qui était dirigé par le rédacteur Simon Houpt du quotidien torontois The Globe and Mail a permis à quatre témoins de l’évolution des TIC et d’Internet d’échanger sur les changements que les médias sociaux peuvent entraîner dans la société.

Les panellistes étaient Ron Diebert, directeur du Centre canadien d’études sur la sécurité mondiale et du Citizen Lab de l’école Munk School of Global Affaires à l’université de Toronto, Danah Boyd, chercheur principal chez Microsoft Research, Jonathan Zittrain, cofondateur du Berkman Center for Internet & Society à l’Université Harvard de Juliana Rotich, cofondatrice et directrice exécutive de l’éditeur africain d’outils de démocratisation de l’information Ushahidi.

D’entrée de jeu, Jonathan Zittrain a souligné que les médias sociaux ont l’avantage d’offrir aux individus un espace de regroupement afin de communiquer et échanger, à la façon d’une place publique. D’ailleurs, les médias sociaux peuvent jouer un rôle si important en collaboration que des organismes publics les observent afin de tirer profit de l’information qu’ils contiennent. Il a donné l’exemple de l’organisme américain de séismologie U.S. Geological Survey fait l’utilisation du réseau Twitter afin d’obtenir des renseignements publiés par des internautes lors d’un tremblement de terre.

Juliana Rotich, pour sa part, a expliqué que des internautes, bénévolement ont traduit en japonais l’interface du service Ushahidi en moins de 48 heures lorsqu’est survenu le tremblement de terre de 2011 au Japon, afin d’en faciliter l’utilisation.

Toutefois, Ron Diebert a expliqué que les responsables du renseignement des gouvernements s’intéressent à l’utilisation des médias sociaux afin que les forces de l’ordre fassent mieux leur travail, et ce à l’encontre de la démocratie. Il a donné l’exemple de personnes qui ont été arrêtées et battues à Bahrein par des agents qui détenaient des retranscriptions de conversations qui avaient été tenues dans le service de conférence Skype.

« La cybersécurité se trouve au sommet des agendas des gouvernements. Des pays fragilisés, au niveau religieux ou politique, utilisent des outils afin de déstabiliser des efforts démocratiques », a indiqué M. Diebert, en évoquant notamment le cas de l’Iran.

Contrôle…

Alors que les gouvernements, notamment dans les pays autoritaires, s’intéressent aux propos des internautes dans les médias sociaux, ces derniers tentent de contourner les restrictions afin de s’exprimer.

Danah Boyd a expliqué qu’une adolescente en peine d’amour, par exemple, peut citer dans Facebook les paroles d’une chanson qui semblent joyeuses aux yeux de ses parents, mais qui évoquent chez ses amies une rupture amoureuse parce que la chanson ironique provient d’une scène de film tragique. Jonathan Bitrain a ajouté que des internautes chinois, sujets à la censure, utilisent des iconographies qui ressemblent graphiquement à celle de termes qui sont proscrits.

Interrogée par M. Houpt qui demandait si un algorithme pourrait bientôt déceler la signification des sous-entendus dans les médias sociaux, Mme Boyd a répondu que les concepteurs des algorithmes ne pouvaient être au fait de toutes les utilisations dont on en fait. « Lorsqu’un système informatique est créé, il n’est pas neutre au départ. Il sert à renforcer des tendances et des perceptions existantes », a-t-elle commenté.

Ron Diebert a ajouté que des fournisseurs technologiques se pliaient régulièrement aux exigences des politiques numériques et des agendas des gouvernements afin de pouvoir exercer leurs activités en conformité dans leurs pays. Il a donné l’exemple de l’envoi en secret vers la Chine de conversations tenues dans Skype qui contenait des termes censurés, mais qui avaient été tenues ailleurs qu’en Chine. Cette pratique, qui a fait scandale en 2008, se poursuivrait aujourd’hui.

…Et attention

Jonathan Zittrain a souligné que les nouvelles sources en ligne d’information et d’interaction sont assaillies éventuellement par des pourriels et de la publicité, mais aussi « par des entités qui utilisent des moyens de plus en plus sophistiqués pour y faire obstruction ou en tirer un avantage. »

Danah Boyd a convenu que les médias sociaux permettaient à n’importe qui de s’exprimer, mais elle a indiqué que c’est la capture de l’attention et l’obtention d’une audience qui sont plus difficiles à obtenir. « Il faut y rebâtir des réseaux d’un média social afin que l’information circule à travers sa structure. Il se déroule alors des jeux de manipulation. On tente d’être drôle ou bien d’aller vers les extrêmes pour attirer l’attention », a-t-elle expliqué.

« C’est plus facile d’être remarqué lorsqu’un média est nouveau, mais lorsque les choses se stabilisent, c’est difficile d’y construire un réseau, une audience si on n’a pas déjà un tel réseau de connexions », a ajouté Mme Boyd.

Anonymat et empathie

Parmi les autres observations des panellistes durant l’échange, soulignons celle de Simon Houpt qui a mentionné que l’anonymat dans les médias sociaux était essentiel pour que des personnes qui sont susceptibles de persécutions dans certains pays puissent s’exprimer, mais qu’il était non souhaité dans les cas où des personnes posent des actes répréhensibles.

Danah Boyd a commenté que les impacts des propos méchants et cruels envers une personne qui serait identifiée par son vrai nom seraient plus grands qu’envers une cible anonyme.

À propos du recours aux fonctions de « vérification de l’empathie », qui servent à confirmer avant l’envoi d’un commentaire que l’auteur désire réellement publier des propos « durs », Mme Boyd a dit croire que l’approche ne fonctionnait pas pour les commentaires qui sont destinés aux médias publics, parce que leurs auteurs sont en quête d’attention. Toutefois, ces fonctions peuvent servir lorsque les commentaires sont destinés à un groupe de personnes qui sont connues de l’auteur.

M. Zittrain a ajouté qu’une fonction de rappel d’un message quelques jours après sa publication pourrait être plus utile. « Par exemple, une personne qui a exprimé une opinion peut ne plus être totalement en accord quelques jours plus tard. Cela serait utile dans les cas où les commentaires portaient sur une rumeur non fondée… »

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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