DROIT ET TI – La tentative de règlement d’un litige, avec l’aide d’un médiateur, entre des parties situées dans des pays différents, peut se faire en ligne… Bienvenue à l’ère de la cybermédiation!
Malgré les multiples avancements technologiques que nous connaissons, le recours à l’informatique et à la réseautique ne sont pas encore vraiment intégrés aux tribunaux. Le rattachement persistant au papier et à la présence physique de toutes les parties prenantes lors des procès en sont des exemples.
Le système de justice est aussi ralenti par les coûts et les délais engendrés par la longueur des procédures de justice, ce qui prive les justiciables d’un moyen pour résoudre leurs conflits.
D’après le Laboratoire de cyberjustice, situé à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, ce retard s’explique par des facteurs humains qui sont liés à la complexité du système de justice, à la diversité des acteurs impliqués et, surtout, aux méthodes utilisées jusqu’à présent.
Le litige… international
Parmi les débats judiciaires les plus coûteux figurent les cas de litige commercial entre des parties situées dans des pays distants. Chaque question à régler par un juge – qu’il s’agisse d’un détail de procédure ou du fond du dossier – peut impliquer de longs déplacements et des honoraires considérables.
Le Laboratoire de cyberjustice s’est récemment lancé dans un projet de cybermédiation, en collaboration avec le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP). Le projet vise à tester les technologies disponibles dans le cadre d’une médiation en ligne, afin d’en évaluer la fiabilité et de s’assurer que tous les outils nécessaires au bon déroulement d’une séance de médiation trouvent leur équivalent sur la plateforme virtuelle, en l’occurrence Adobe Connect.
Rappelons qu’une médiation est une tentative par les parties à un litige, avec l’aide d’un médiateur, d’en venir à une entente quant à ce litige. Le médiateur ne prend pas de décision quant au litige; sa fonction est d’aider les parties à en venir à un règlement.
Dossier test
Le 3 octobre dernier, Me Patrick Zakaria, membre du Barreau du Québec et médiateur accrédité depuis 2007, Me Hedwige Caldairou, avocate chevronnée spécialisée en droit de l’audiovisuel, droit des télécommunications et droit des sociétés et membre du Barreau de Paris, et l’auteur de ces lignes, avocat spécialisé en droit des technologies de l’information depuis plus de vingt-cinq ans et membre du Barreau du Québec, ont pris part à une simulation de médiation dans le cadre du projet de cybermédiation décrit plus haut.
Le litige portait sur l’application et l’utilisation par une société française d’un brevet détenu par une société québécoise. Cette simulation en temps réel a permis de tester l’ergonomie et la facilité d’utilisation du système et de se faire une première idée des perceptions des utilisateurs.
J’ai trouvé que la cybermédiation offrait un potentiel des plus intéressants afin d’augmenter la rapidité et de réduire les coûts de la résolution d’un litige entre des parties situées sur des continents différents. Les images et le son étaient d’une grande clarté et offraient la possibilité de bien travailler. Il était même possible de produire électroniquement des documents de façon à ce que seulement le médiateur ou toutes les parties puisse(nt) les lire.
Par contre, le fait que des participants puissent choisir le cadrage de l’image que les autres participants pouvaient voir permettait à certains de ne montrer que leur visage. Selon moi, le langage corporel est très important dans le cadre de ce genre de démarche.
Au cours des prochains mois, l’équipe du Laboratoire de cyberjustice mènera d’autres tests avec d’autres types de plateformes technologiques pouvant servir à la médiation en ligne. Ces simulations s’inscrivent dans le cadre de recherches plus vastes portant sur les incidences des technologies sur les interactions entre les acteurs prenant part à une médiation ou un procès. Les prochains mois verront la tenue de plusieurs expériences de ce type et devraient donner lieu à la publication d’articles scientifiques sur la question.
Créé en 2010 par les professeurs Karim Benyekhlef de l’Université de Montréal et Fabien Gélinas de l’Université McGill, le Laboratoire de cyberjustice est un espace de réflexion et de création où les processus de justice sont modélisés et repensés. Plus précisément, l’équipe du Laboratoire analyse l’incidence des technologies sur la justice et développe des outils technologiques concrets et adaptés à la réalité des systèmes judiciaires.